The dig, une modernité historique à l’écran

En 2007 est publiée la nouvelle de John Preston intitulée The dig. Cette œuvre fut le point de départ du film de Simon Stone, sortit sur Netflix, en ce début d’année 2021. Entre tournants du destin et enjeux archéologiques, les personnages vivent leurs quotidiens alors qu’un fragment de l’Histoire de l’Humanité s’écrit. 

Dépoussiérer respectueusement

The dig (« La fouille ») est, tout d’abord, une représentation de la vie en Angleterre, en 1939. Très naturaliste dans sa photographie, Simon Stone semble avoir veillé à un certain réalisme et à un rythme contemplatif. Et pour cause, le parcours de Stone commença par une histoire d’amour avec le théâtre. Il commença par l’étudier puis, en 2007, créa sa compagnie, The Hayloft Company, avec laquelle il adapta des pièces classiques telles que Platonov de Chekhov ou Thyestes de Sénèque.

C’est donc un passionné de dramaturgie, de drames humains, qui remis au goût du jour Les trois soeurs, de Chekhov, à l’Odéon, en 2017, puis La Traviata, opéra de Giuseppe Verdi, à l’Opéra de Paris Garnier. Une pièce parmi sept autres, qu’il dirigea jusque là, à seulement 36 ans (sachant qu’il joue et scénarise par ailleurs, bien sûr). « Le metteur en scène  [Simon Stone] est mû par la réécriture pure avec nos références d’aujourd’hui. » nous dit Thibault Vicq, dans Opera Online.

Simon Stone par @Vincent Tullo

Un tableau de l’Angleterre

Revenons à notre sujet, The dig. Des plans larges du crépuscule sur les champs, du vent, de la poussière, de la pluie (beaucoup de pluie) et des oiseaux chantant, cachés dans de majestueux arbres. En somme, est créée une ambiance apaisante, savamment composée, de façon presque impressionniste, rappelant notamment John Constable. Peintre paysagiste du XIXème (1776-1837), anglais de surcroît, il marqua l’histoire de l’art en tant que précurseur du mouvement impressionniste.

La Baie de Weymouth : Bowleaze Cove et Jordon Hill, John Constable, 1816 (National Gallery)
Flatford Mill, John Constable, 1817 (Tate Modern)

Les couleurs sont traitées de façon peu saturées, donnant un aspect réaliste, doux et chaleureux, aux scènes. Ainsi, la vie de chacun des personnages est montrée pudiquement, avec simplicité. C’est le quotidien, une vie rurale, de labeur, de contemplation également, un tout autre rythme que celui que nous connaissons en 2021, en ville du moins. C’est donc un voyage dans un temps passé que nous propose Simon Stone, une vue respectueuse de ce à quoi pouvait ressembler l’Angleterre rurale de cette époque. Néanmoins, une certaine distance est à conserver quand à la véracité du récit.

Une histoire de l’Histoire 

Dans la campagne anglaise, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, une riche veuve, Edith Pretty (interprétée par Carey Mulligan) embauche l’archéologue autodidacte Basil Brown (et oui, Ralph Fiennes n’est pas seulement Lord Voldemort) pour sonder de mystérieux monticules se trouvant sur sa propriété. Ces derniers révèleront des trésors inestimables, ni plus ni moins. 1h52 de plongée dans une entreprise périlleuse qu’est une recherche archéologique, mais aussi dans les vies de ceux et celles qui participèrent à cette aventure. 

Images d’archives des fouilles de Sutton Hoo
By Courtesy of Netflix/Larry Horricks

John Preston, à l’origine du roman éponyme, n’est autre que le neveu de Peggy Piggott, impliquée dans les recherches dirigées par Basil Brown, fouilleur engagé par le musée d’Ipswich, pour explorer le site de Sutton Hoo (à la demande de sa propriétaire Edith Pretty). Cette base est belle et bien réelle mais l’auteur prit quelques distances afin de servir le dramatique de son histoire et, à fortiori, le film s’éloigne à son tour de la réalité. Cependant, le film échappe aux barbantes romances stéréotypées en suggérant, sans s’attarder, et en croisant les destinées. Ainsi, chaque relations restent mystérieuses et sous jacentes à l’histoire principale. 

Quant à Basil Brown, ce dernier fut longtemps invisibilisé, considéré par beaucoup comme simple « fouilleur » manquant de méthode, malgré son importance capitale dans les recherches archéologiques, mais sera heureusement reconnu plus tard. L’archéologue de Cambridge Charles Phillips, qui a repris les fouilles de Sutton Hoo (une fois qu’il est devenu clair qu’elles était d’une importance considérable), a appelé Mr Brown « un morceau pur de Suffolk rustique » dans son livre, My Life in Archaeology (1987). La mention du nom de Brown est plus présente aujourd’hui et il fut reconnu pour d’autres fouilles d’ailleurs. 

Photographie de Basil Brown.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, Le cerf volant met pour vous des liens en fin d’article pour tenter de trouver réponses aux questions persistantes. Il y en aura sûrement car l’archéologie, les hommes et femmes qui façonnent l’Histoire, les traitements des informations et des trésors qui sortent de terre, sont autant de sujets passionnants. Pour conclure, ce film, diffusé sur la plateforme mainstream qu’est Netflix, tend à mettre dans la lumière un sujet peu traité, à donner accès à un monde de l’envers, qui s’efface pour laisser briller les illustres du passé, et ça, c’est plutôt beau à constater. 

Pour aller plus loin : 

Article creusant le sujet avec des documents d’archive. 

Les trésors de Sutton Hoo conservés au British Museum, à Londres. 

Le regard d’un archéologue sur le film et le site de Sutton Hoo. 


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