Agnès Varda, cinéaste engagée

Figure féminine importante du XXe et XXIe siècle, Agnès Varda a marqué son époque par sa filmographie poétiquement engagée. À travers ses œuvres cinématographiques, elle a su se faire sa place en tant que réalisatrice, la plaçant comme pionnière du mouvement de la Nouvelle Vague. Loin de se taire, Agnès Varda brille par sa détermination de caractère, et s’affirme dans ce milieu artistique en questionnant le monde, d’une façon singulière et innovante.

Agnes varda, femme engagée

Née en 1928 en Belgique, Agnès Varda fuit la guerre avec sa famille, et part vivre dans le sud de la France, à Sète. Son premier film, La Pointe Courte, sorti en 1955, s’y déroule. Mélangeant fiction et documentaire, le film suit un homme qui revient dans son quartier d’enfance avec son épouse. À cette déambulation, se mêlent des scènes de vie des pécheurs du quartier sétois du nom de la Pointe Courte.

Deux amours, du nom de Valentine Schlegel et Jacques Demy, ont marqué la vie sentimentale et professionnelle de la réalisatrice. En 1951, Agnès monte à Paris, aux côtés de son amoureuse Valentine Schlegel, pour étudier à l’école du Louvre. Durant trois ans, elles vécurent toutes deux, et Valentine, devenue artiste sculptrice et céramiste, eu un rôle important auprès de la jeune femme, en l’encourageant à poursuivre dans la photographie et le cinéma.

Agnès Varda, 1962

En 1958, Varda rencontre le réalisateur Jacques Demy, qui devient par la suite son époux, et avec qui elle élève sa fille Rosalie et donne naissance à leur fils, Mathieu. Le couple de réalisateurs s’encourage et s’inspire dans leurs travails respectifs tout en se respectant. Ainsi, tout au long de sa carrière, elle demeure loin du rôle de la muse de l’homme artiste.

Agnès Varda revendique son engagement féministe, dans un milieu que l’on sait aujourd’hui très sexiste. En effet, lorsqu’elle accompagne Jacques Demy aux États-Unis, à la fin des années 1960, elle tape la main d’un producteur qui lui pince la joue, et perd alors une opportunité de financement.

En 1971, la cinéaste signe le manifeste des 343, dans lequel autant de femmes, connues du grand public ou non, affirment avoir eu recours à l’avortement, alors interdit. Cet engagement en faveur du droit à l’avortement mène à la création du film L’une chante l’autre pas. Sorti en 1977, il raconte le parcours de deux amies, au destin différent, réunies par leur choix de disposer de leur corps comme bon leur semble.

« J’essayais de vivre un féminisme joyeux, mais en fait, j’étais très en colère. Les viols, les femmes battues, les femmes excisées, les femmes avortées dans des conditions épouvantables, des jeunes filles qui allaient se faire faire un curetage à l’hôpital et des jeunes internes qui leur disaient : « Pas d’anesthésie ça vous apprendra. » Ici, deux fois. On a prêté cette jolie petite maison rose et charmante, pour faire des avortements clandestins. »

Les plages d’Agnès – Agnès Varda, 2008

Agnes varda, cinéaste

À travers ses 36 films, courts comme longs-métrages, documentaires comme fictions, mais également films traçant son autobiographie, Agnès Varda prend position et raconte l’histoire de ceux qui ne peuvent la raconter par eux-mêmes. Elle reçoit de nombreux prix pour ses différentes réalisations, mais également des prix récompensant l’ensemble de son œuvre, dont une palme d’honneur au festival de Cannes de 2015, ou encore un Oscar d’honneur en 2017.

Le cinéma au féminin – INA, 1978
Cléo de 5 à 7 – Agnès Varda (1961), Ciné Tamaris

Chacun de ses films est produit et distribué par Ciné Tamaris, auto-crée en 1954. Nombres de ces œuvres ont pour personnage principal une femme, comme dans Cléo de 5 à 7, diffusé à partir de 1961.

On y suit, par un minutage en chapitre, la déambulation dans Paris en temps réel d’une jeune chanteuse, dans l’attente de ses résultats médicaux.

« J’ai voulu justement combiner dans le film le temps objectif des pendules qu’on voit partout, et puis, le temps subjectif, comment Cléo l’éprouve pendant le temps du film. »

Les plages d’Agnès – Agnès Varda, 2008

En 2000, Agnès Varda questionne la notion de glanage d’aujourd’hui, dans le documentaire Les glaneurs et la glaneuse. Elle filme alors ceux pour qui glaner est une nécessité, ramasser les déchets, récupérer ce que les autres ne veulent pas, pour se nourrir et subvenir à leurs besoins. En parallèle de ce portrait social, la cinéaste aborde une autre notion de glanage, celle des petites choses, le glanage comme le geste de ramasser un objet trouvé, pour sa beauté, son originalité.

« Il arrive tout le temps des choses magnifiques, j’en ai eu la dernière preuve dans Les glaneurs. […] En fouillant dans les déchets, j’ai trouvé des pommes de terre en forme de cœur. Et ça m’a semblé, peut-être lourdement, vraiment symbolique que le déchet ait une forme de cœur. »

A voix nue, Agnès Varda par elle-même – France Culture

Agnes Varda, poly artiste

À partir des années 2000, la cinéaste se consacre à une nouvelle forme artistique, celle de plasticienne ou plutôt de « visual artist », terme qu’elle préfère. Elle met alors en place des expositions de ses photographies, des installations vidéos, ou encore des rétrospectives de ses films.

En 2007 a lieu une exposition intitulée Jean Vilar en Avignon, hommage photographique de Varda à Jean Vilar. En effet, Agnès Varda fut la photographe des premières années de création du festival d’Avignon, en 1948, puis du Théâtre National Populaire, dirigé par Jean Vilar en 1951.

Agnès Varda fut une femme libre dont l’autonomie lui était précieuse, elle s’est battue toute sa vie pour que chaque femme connaisse la liberté. À travers ces films et ses photographies, elle documente la vie des autres, leur réalité, et raconte leur histoire. Elle y joint à chaque fois un bout d’elle, un fragment d’intimité, qui trace son portrait et son histoire, tout aussi importants. Depuis son décès, en 2019, ses proches continuent de construire sa mémoire à travers notamment des rétrospectives, comme celle récente à la Cinémathèque Française.


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