Photo de l'ombre de Margaret Kilgallen sur une de ses oeuvres prise par Ed Templeton

Margaret Kilgallen, artiste féministe

Margaret Kilgallen est une artiste américaine multidisciplinaire et prolifique, bien qu’encore trop méconnue. Son travail est représentatif de la Mission School, un mouvement artistique des années 1990 et 2000 centré sur le Mission District de San Francisco. À l’image des autres artistes de ce mouvement, elle s’inspire principalement des cultures alternatives et leur rend hommage dans ses œuvres.

Pourquoi parler des femmes artistes ?

Les expositions féministes et les expositions de femmes artistes en général sont très populaires auprès du public habituel des musées, mais attirent également de nouveaux visiteurs. Cependant, force est de constater que ce type d’exposition est encore rare et que les femmes artistes sont minoritaires dans la plupart des institutions.

Guerrilla Girls Do women have to be naked to get in the Met. Museum
Do Women Have To Be Naked To Get Into the Met. Museum ?, 1989, Guerrilla Girls

Ce phénomène s’inscrit dans la longue tradition d’exclusion des femmes du monde de l’art. Exclues des Académies et interdites d’étudier les techniques permettant d’accéder aux genres nobles, les femmes ont dû se battre contre les conventions pour accéder au monde de l’art. Par exemple, l’École des Beaux-Arts n’a ouvert ses portes aux femmes qu’en 1897, un siècle après sa création. Aujourd’hui encore, elles sont confrontées au sexisme et leurs œuvres sont moins cotées que celles de leurs homologues masculins, alors même qu’elles sont plus nombreuses dans les écoles d’art.

Heureusement, la situation a évolué depuis les années 1970, notamment sous l’influence du féminisme de la deuxième vague. En lien avec le mouvement féministe, certaines militantes et professionnelles de l’art ont entrepris une révision de l’histoire de l’art, « redécouvrant » ainsi de nombreuses femmes artistes oubliées par le canon traditionnel.

« On nous demande avec une indulgente ironie combien il y a eu de grandes artistes-femmes. Eh ! Messieurs, il y en a eu et c’est étonnant, vu les difficultés énormes qu’elles rencontrent. »

Pauline Orell (pseudonyme de l’artiste russe Maria Bashkirtseff) dans le journal La Citoyenne, 1880

Aussi talentueuses que leurs homologues masculins, les femmes artistes méritent une place égale dans la conscience collective. Chacun devrait être capable de citer dix artistes féminines avec autant de facilité que dix artistes masculins ! Les médias ont leur rôle à jouer dans ce mouvement, en leur donnant la visibilité qui leur a longtemps été refusée.

Le cerf volant souhaite, à son échelle, apporter sa pierre à l’édifice en vous présentant plusieurs de ces femmes artistes oubliées par l’histoire. Grâce à la série d’articles « Portraits de femmes », vous découvrirez ou en apprendrez plus sur des créatrices d’époques et d’origines différentes, et sur la façon dont elles représentent et perçoivent la condition féminine.

Des sources d’inspiration variées et originales

Aujourd’hui, le cerf volant vous fait découvrir Margaret Kilgallen, artiste américaine née en 1967. Après avoir étudié les arts plastiques et la gravure au Colorado College, elle déménage à San Francisco où elle réalise la majeure partie de son œuvre.

Cette artiste est très inspirée par les panneaux publicitaires et enseignes de magasins qu’elle croise lors de ses balades dans le quartier Mission District. Elle affirme que la beauté peut se trouver partout, même dans les détails les plus triviaux de la vie quotidienne. On retrouve l’influence de ces éléments dans les peintures de Kilgallen qui ne présentent généralement qu’un seul plan, à l’image des panneaux publicitaires qu’elle admire.

Détail de l’installation Main Drag (2001) montrant l’intérêt que Kilgallen porte aux devantures et enseignes de magasins

La formation de l’artiste en gravure et ses premières expériences professionnelles en tant que bibliothécaire et relieuse lui transmettent la passion de la typographie et de la calligraphie, qui se retrouve dans la plupart de ses créations.

Margaret Kilgallen retire également de ces expériences la conviction que les œuvres sont plus belles lorsqu’elles sont faites à la main plutôt qu’à l’aide des outils technologiques. Elle réalise donc toutes ses œuvres à main levée, sans autre aide que celle de ses pinceaux, et affirme que les imperfections qui en résultent ajoutent à la beauté de l’art.

Dans les années 1990, la créatrice fait partie du groupe très réduit de femmes qui pratiquent le skateboard et le surf et en tire une autre de ses plus grandes inspirations. Elle représente majoritairement des personnages féminins, notamment sur des planches de surf, et milite ainsi pour l’émancipation des femmes. Elle montre que les femmes devraient être appréciées pour leurs accomplissements plutôt que pour leur apparence.

Margaret Kilgallen s’inspire également de ses artistes femmes préférées, et va jusqu’à signer ses œuvres par le pseudonyme Matokie Slaughter, en hommage à la musicienne folk qui porte ce nom.

Cardiff de Margaret Kilgallen
Untitled (Cardiff), 1999, Margaret Kilgallen

« J’espère surtout inspirer les jeunes femmes, car j’ai souvent l’impression que l’on met l’accent sur leur beauté ou leur minceur et pas sur ce qu’elles peuvent faire ou sur leur intelligence. J’aimerais changer ce qu’on considère important quand on regarde une femme. » 

Margaret Kilgallen pour Art21, 2001
Peinture murale Slaughter de Margaret Kilgallen
Slaughter, Margaret Kilgallen, 1997

Dans la peinture murale Slaughter (1997), on retrouve à la fois la fascination de l’artiste pour la typographie et son admiration de la musicienne Matokie Slaughter.

Reconnaissance artistique et enjeux sociaux

Le travail de Margaret Kilgallen touche des problématiques encore très actuelles, ce qui rend ses œuvres totalement pertinentes dans notre contexte.

Elle a à cœur de peindre des femmes fortes et indépendantes, qui abattent les frontières des genres, à l’image de ses propres héroïnes. Margaret Kilgallen fait également partie des premiers artistes à réfléchir à l’impact environnemental de l’art. Elle déclare dans de nombreuses interviews détester le gâchis et utilise comme base pour ses œuvres des matériaux trouvés dans la rue. Enfin, elle a la volonté de rendre l’art accessible et visible par tous, c’est notamment pour cela qu’elle pratiqua le street art tout au long de sa vie.

« Tu veux pouvoir vendre ton travail et tu veux pouvoir vivre de ton travail. Et ce monde qui implique l’achat et la vente d’art est un monde très fermé et parfois tu oublies l’autre monde autour de toi. » 

Margaret Kilgallen pour Art21, 2001

Margaret Kilgallen meurt à l’âge de 33 ans des suites d’une longue maladie. Malgré cela, elle n’a jamais cessé de produire des œuvres très colorées et emplies de positivité. Un an seulement après son décès, son travail est sélectionné pour la Biennale du Whitney. Margaret Kilgallen a fait l’objet de nombreuses expositions posthumes et son œuvre a récemment été exposée pour la première fois en Europe au musée Bonnefanten de Maastricht.

Photo de Margaret Kilgallen par Michele Lockwood
Margaret Kilgallen, San Francisco, 1998. ©Michele Lockwood

Pour en apprendre plus sur Margaret Kilgallen et ses œuvres, n’hésitez pas à consulter la série de vidéos réalisées par Art 21 qui lui est consacrée (en anglais avec sous-titres anglais disponibles).

D’autres portraits de femmes à découvrir dans les prochains épisodes !


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