Leymah Gbowee, travailleuse sociale et prix nobel de la paix

Née au Liberia en 1972 et co-lauréate du prix Nobel de la paix en 2011, Leymah Gbowee se bat pour les droits des femmes. Sa notoriété est extrêmement liée à son histoire personnelle. Remontons au tout début.

« Ceci n’est pas une histoire de guerre traditionnelle. Il s’agit d’une armée de femmes en blanc qui se sont levées quand personne d’autre n’en avait le courage. »

Leymah Gbowee dans son livre autobiographique Notre force est infinie (titre original : Mighty be our powers, How sisterhood, prayer, and sex changed a nation at war)

Une enfance mouvementée

Leymah est la 4e enfant de la famille Gbowee. C’est surtout la 4e fille, c’est pourquoi son prénom signifie « qu’est ce qui cloche chez moi ? ». Son père, lui, l’a surnomme son « enfant chance ».

À la maison, il y a des tensions. Ses parents se disputent et son père trompe sa mère, qui reste, notamment pour les enfants. Leymah grandit avec sa grand mère, connue pour accoucher les femmes trop pauvres pour aller à l’hôpital. Adolescente, elle est ambitieuse, a de bons résultats scolaires et rêve de devenir médecin. Elle est pleine de vie.

Extrait (photographie) du livre Culottées de Pénélope Bagieu, Gallimard bande dessinée, 2016

« À peu près au moment où on fêtait mon diplôme de fin d’études secondaires, un groupe de rebelles armés en provenance de Côte d’Ivoire a traversé la frontière et pénétré dans le comte de Nimba, dans le nord du Liberia. Leur chef, Charles Taylor, a déclaré vouloir renversé le président Doe. »

Leymah Gbowee dans son livre autobiographique Notre force est infinie

En 1989, la première guerre libérienne éclate. Elle est alors âgée de 17 ans et entre frontalement dans la vie d’adulte. Avec sa famille, la jeune femme laisse tout derrière elle et s’installe dans un campement provisoire pour réfugiés au Ghana. Déscolarisée, Leymah monte un business de vente de beignets et fini par tomber amoureuse d’un homme plus âgé et très attentionné.

Il s’appelle Daniel, et il n’est pas comme elle l’avait espéré. Daniel est jaloux, violent, rabaissant et probablement beaucoup d’autres énormes red flags. Il abuse d’elle sexuellement. Leymah tombe enceinte une première fois, puis une autre. Elle aura 6 enfants.

Le tournant

En pleine guerre, Leymah apprend que l’Unicef propose des programmes d’apprentissage de travail social. Elle suit donc une formation de trois mois sur les violences faites aux femmes et les relations domestiques abusives. Première mission sur le terrain : rencontrer des réfugiées de la Sierra Leone, des femmes, violentées. Leymah prend alors conscience des violences genrées, notamment celles commises par son mari à son encontre, et trouve une motivation.

À 26 ans, elle quitte son mari, ses enfants sous le bras. Se consacrer activement à ses missions de pacification sera son unique but. Leymah travaille beaucoup sur le terrain, principalement avec des femmes violées, mutilées, affamées. Assises en cercle, à la lueur des bougies, Leymah tente de redonner une voix aux victimes.

« Pendant la guerre, presque personne n’a parlé de ce que fut cette autre réalité : la vie des femmes. […] Comment, en plein chaos, nous avons marché des kilomètres chaque jour pour trouver à manger et de l’eau pour nos familles. […] Comment, enfin, nous avons puisé notre force dans la solidarité pour parler de paix au nom de tous les libériens. « 

Leymah Gbowee dans son livre autobiographique Notre force est infinie

Mais Leymah reste une mère. Pendant tout ce temps passé sur le terrain, ses enfants sont confiées à sa sœur. Elle ne les voit plus, vit quotidiennement avec la guerre, reste toujours à l’écoute des autres. Sa lutte a déjà bien commencé et continu toujours lorsqu’elle décide de reprendre ses études.

Militante pour la paix en Afrique

Leymah passe son diplôme, obtient plus de responsabilités et s’engage dans un projet de guérison des traumatismes. Elle participe alors à la réhabilitation d’anciens enfants soldats de l’armée de Charles Taylor.

Son combat suivant ? Rassembler les femmes libériennes pour mettre fin à la violence qui gangrène leurs enfants. Parce que le changement peut surtout venir des mères.

Extrait (photographie) du livre Culottées de Pénélope Bagieu, Gallimard bande dessinée, 2016

« Les femmes sont des éponges, ai-je songé. On absorbe tout le traumatisme de nos familles disloquées, la mort de ceux qu’on aime. […] On retient tout, parce qu’on a besoin d’être fortes, et se plaindre –voire seulement partager – est un signe de faiblesse, mais garder en soi ce genre de douleur handicape autant que nourrir de la colère. »

Leymah Gbowee dans son livre autobiographique Notre force est infinie

En 2001, est organisée la première réunion du Women in Peacebuilding Network (WIPNET) au Ghana. Des femmes de Sierra Leone, Guinée, Nigéria, Sénégal, Burkina Faso et Togo sont présentes, dont Leymah Gbowee et Thelma Ekiyor, les organisatrices.

Ensemble, elles œuvrent pour mettre les femmes au cœur des négociations de paix. Elles proposent des exercices sur l’engagement, l’enseignement des conflits et la manière dont les femmes peuvent être impliquées dans leur résolution, mais aussi sur la médiation et la confiance en soi.

Et victoire

Leymah Gbowee ne faiblit pas : sit-ins, confrontations, grève du sexe… elle parcourt le pays malgré les couvre-feux et les tirs dans les rues. Elle embarque avec elle de nombreuses femmes et commence a attirer l’attention des médias du monde entier. Charles Taylor fini par convier Leymah à la table des négociations, mais les pourparlers n’aboutissent pas. Alors que les hommes tentent de quitter la salle, elle menace d’arracher ses vêtements, une malédiction dans la croyance traditionnelle.

Leymah Gbowee à Fronteiras do Pensamento Porto Alegre, 2013. Photo : Luiz Munhoz/FatoPress

La guerre du Liberia prend officiellement fin quelques semaines plus tard. Par la suite, Leymah créera plusieurs associations féministes, notamment la Fondation Gbowee pour la paix en Afrique.

Aujourd’hui, Leymah anime de nombreuses conférences dans le monde pour les droits des femmes. Elle sait nous convaincre de l’importance de ce sujet à travers son histoire : les femmes et filles sont intelligentes, passionnées et brillantes.

Dans son livre, sorti en 2012 aux éditions Belfond, Leymah Gbowee se confie, sans restriction, sur sa vie privée, son parcours et son histoire. Elle a su faire renaitre l’espoir dans un pays en guerre.


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