La figure du badboy est un incontournable du storytelling romantique : l’homme à la veste en cuir avec une moto, l’antihéros avec un passé tragique ou encore le vampire sarcastique. Cette allure qui transcende les genres, apparait universelle et idéale depuis des décennies sur nos écrans. Souvent ce badboy donne la réplique à un autre type de personnage emblématique des histoires romantiques : la gentille fille.
Normes et questionnements
On notera que les films mainstream sont la plupart hétéronormés et ne représente que très peu de diversité dans les personnages féminins. La gentille fille, c’est celle qui se concentre sur les autres, qui est studieuse, intelligente, mais pas trop impertinente, libre ou autoritaire. C’est celle qui se sacrifie pour ses proches, qui s’oublie et œuvre pour le bien de tous.
Dans le dessin animé La Belle & la Bête (Disney – 1991), on note la présence de l’emblématique bad boy. La Bête, personnage bourru, incompris et troublé force Belle, impétueuse, indépendante et aventureuse à vivre avec lui et subir ses humeurs rudes et son caractère violent. Sur fond de syndrome de Stockholm (la victime tombant amoureuse de son ravisseur), le dessin animé veut nous faire croire que se développe entre eux un amour sain.
Le dernier film de Giles Lellouche L’Amour Ouf, réutilise cette représentation. La gentille fille, impertinente et de “bonne famille” et le badboy, qui subit un milieu violent et qui a du mal à trouver sa place. L’amour Ouf veut dépeindre une naïveté d’un autre temps, où se confrontent les couchers de soleil romantiques avec les actes de violences.
Ce trope (thème ou schéma récurrent dans la fiction) bien que convaincant et dramatique, n’est pas une représentation saine et réaliste des relations amoureuses. Il en vient alors de commencer à critiquer ces schémas qui influencent nos perceptions culturelles de l’amour, de la dynamique de pouvoir et des frontières personnelles. Comment ces médias nous persuadent que de telles relations sont enviables ?
Romantisation des comportements toxiques et abusifs
Les comportements toxiques des badboy au travers de la focale romantique sont excusés. Ces personnages sont en effet incompris ou profondément blessés. On pardonne alors :
- leur possessivité et jalousie
- leurs explosions de violences
- leurs non respects des limites (mépris du consentement, amener l’autre à changer qui iel est)
- leurs comportements manipulateurs tels que le gaslighting ou le renversement de culpabilité, confondue avec l’expression de leur amour
L’amour idéalisée de Stephenie Meyer dans Twillight exige qu’une jeune femme abandonne tout ce qui concerne sa vie et son identité, et ignore tous les signaux d’alertes par amour. Edward, possessif et jaloux, la traque, l’isole et trafique sa voiture pour l’empêcher de voir son meilleur ami. L’acceptation de Bella de ces comportements renforce l’idée que la soumission passive, c’est-à-dire bien souvent le personnage féminin cédant aux désirs du personnage masculin, est un témoignage d’amour.
Ces comportements constituent des signes avant-coureurs d’une dynamique relationnelle malsaine, où le respect, l’égalité et la communication ne sont pas attrayant, mais la violence et la manipulation, sont représentées comme des signes de romance profonde et passionnée.
Ancrer les stéréotypes sexistes
La représentation du personnage féminin est souvent superficiel et symbolique. Bien qu’elle est dite indépendante et rebelle, elle est souvent utilisée comme dispositif d’intrigue. Elle défie le badboy, qui se transforme et devient meilleur tandis que son propre épanouissement est placé au second plan. Le rôle de la jeune fille est celui d’un travail émotionnel. C’est ce qu’on appelle, le trope i can fix him (je peux le sauver).
Le couple de l’Amour Ouf ou encore de La Belle & la Bête, en sont les emblèmes. Cette dynamique renforce les attentes envers les femmes qui doivent assumer le rôle de la soignante, tandis que les défauts du personnage masculin sont excusés, considérés comme faisant partie intégrante du charme de celui-ci.
Ces romances créent des drames et des tensions certes convaincantes pour des films et séries, mais renforcent cependant des conceptions biaisées de l’amour qui flirteraient constamment avec des comportements toxiques, normalisant la manipulation et invisibilisant le consentement.
De quelle vision de l’amour est-ce le nom ?
Ces modèles, pensés pour paraitre glamour, peuvent avoir des effets durables sur les jeunes publics, créant des schémas avec ces représentations pour référentiel :
- Qu’un homme plus âgée exprime son amour pour une adolescente, fait de lui un amoureux passionné et interdit
- Qu’un homme ait du mal à exprimer ses émotions et les traduise par de la violence, fait de lui une personne incomprise que l’on peut aider et révéler avec de l’amour et de la patience
- Qu’un homme n’écoute pas sa partenaire et ne la priorise pas, fait de lui une personne qui joue selon ses propres règles et est déterminée
Cette vision de l’amour n’est que le reflet des valeurs patriarcales qui parsèment notre société. Elles influencent la production médiatique, qui elle même influence son audience à suivre ces valeurs, c’est le cercle “vertueux” du patriarcat. Ces trope goodgirl, badboy ou encore, i can fix him renforcent les rôles genrés de notre société hétéronormée : les hommes doivent être rebelles et libres tandis que les femmes sont pures et prennent soin de leurs émotions (et celles des autres). Cela romantise l’autonomie masculine, et renforce un récit dans lequel le pouvoir masculin est célébré, tandis que la soumission féminine naturalisée (Sandy se conformant au mode de vie et à l’identité de Johnny à la fin du film Grease).
Quand viendra le temps où on arrêtera enfin de glorifier ces comportements en les présentant comme des couples phares ? Quand est-ce qu’on arrêtera de faire croire aux spectateurices que si cet homme te blessent c’est parce qu’il t’aime mais qu’il ne sait pas te le dire ?
Attention, cela ne signifie pas qu’il faudrait arrêter de représenter les histoires dysfonctionnels. Il est important que les couples imparfaits continue d’être mis en image. Cependant les représenter ne signifie par les idéaliser.
Image de couverture : Lilou, rédactrice
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