Asso lilloise : AERGES, la sensibilisation queer

Dans un monde où les discriminations et l’homophobie tuent encore, l’association AERGES tente de faire bouger quelques lignes. L’équipe sensibilise aux questions de genre et d’orientation sexuelle. Rencontre avec Jaiden, coordinateur et co-fondateur du projet.

contexte personnel et collectif

Décembre 2020, Fouad, élève transgenre de terminale du lycée Fénelon à Lille met fin à ses jours. L’affaire remonte jusqu’au ministère de l’Éducation Nationale et Jean-Michel Blanquer déclare alors : « Nous avons fait énormément sur la lutte contre le harcèlement, qui inclut l’enjeu du harcèlement contre les élèves LGBT« . Il précise toutefois qu’il faut « que nous réussissions beaucoup mieux à lutter contre cela » (Marly-la-Ville, Val-d’Oise). Selon Jaiden, les situations s’enchainent et il y a un réel appel à l’action.

Programmé dès octobre 2019, l’observatoire académique des LGBTphobies voit le jour en mai 2023. Trois années d’études, de réunions, de formations… pour certaines engagées dès 2021. Ce qui nous amène à nouveau vers notre sujet principal.

Jaiden est un mec trans et comme toutes les personnes trans, son parcours n’a pas été simple. Aujourd’hui, il l’assure, il y a plus d’ouverture, mais les discriminations persistent. Il souhaite agir.

« Par mon parcours de mec trans, je me suis dit que ce serait cool de monter une asso, et d’aller dans les écoles en parler aux jeunes. Ça m’aurait éviter pas mal de galères et des années de questionnements si j’avais eu un gars qui était venu pour dire bah être trans c’est cool. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

Après quelques mois pour tâtonner et construire le projet, l’association AERGES éclot en 2021 et obtient l’agrément Éducation Nationale pour intervenir dans les établissements scolaires. Une arrivée nécessaire et en temps utile.

naissance associative

L’association AERGES c’est : une safe place, des ateliers, des formations, des événements, et surtout, une écoute attentive.

Logo de l’association

L’équipe propose des ateliers à destination des élèves, personnels encadrants et équipe pédagogique. L’association existe aussi grâce à l’implication de nombreux bénévoles qui animent une partie des interventions.

« Souvent c’est des journées entières de disponibilité, donc il faut quand même être solide. Parce que c’est aussi faire face au mécontentements des profs. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

L’AERGES intervient parfois sur des groupes en non-mixité masculine pour travailler les injonctions au genre et questionner les normes de masculinité (coucou la masculinité toxique). Mais aussi auprès des élèves allophones et primo-arrivants sur le territoire français, qui doivent s’adapter à d’autres modèles familiaux (mono parentale par exemple).

« Des fois juste avoir une enseignante qui est une femme, pour certaines personnes c’est compliqué. Pour certaines personnes qui débarquent c’est pas du tout les codes qu’elles ont chez elles. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

Contenus et pédagogie

« Quand on est auprès des élèves c’est de la sensibilité : c’est quoi être homosexuel ? C’est quoi la transidentité ? Comment ça se passe pour une élève trans dans un collège ? etc. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES
L’association AERGES en intervention

Avec les publics, l’équipe échange également sur la reconnaissance des faits : comment signaler ? Avec les adultes, elle forme sur l’accompagnement des élèves en questionnement ou l’homophobie. Bref, ce sont beaucoup d’écoutes, de dialogues et d’accompagnements.

« Il y a une élève qui a préparé tout son argumentaire avec son père pour dire pourquoi on faisait de la propagande. On a construit notre argumentaire aussi. C’était une conversation intéressante. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

Le projet associatif n’a pas la prétention de changer les mentalités, mais plutôt de donner les clés de compréhension sur la situation et permettre de développer sa propre réflexion. Objectif : donner des informations safe et fiables.

Petit lexique LGBTQ+, réalisé par Exprime

Afin d’accompagner au mieux les publics, l’équipe s’inspire de l’éducation populaire et de la pédagogie de la liberté. Elle doit parfois faire face à des histoires personnelles. Jaiden sait qu’en cas d’urgence, il pourra réagir, en soutien à l’observatoire et à d’autres associations.

« La première règle c’est qu’on n’est pas là pour accuser qui que ce soit. On vient avec notre bagage, nos représentations, nos apprentissages. « 

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

Même si ce n’est pas toujours évident d’évaluer l’impact, l’objectif n’est pas « d’intervenir et repartir comme un cheveu sur la soupe ». L’association essaie de garder le lien avec des projets tout au long de l’année, pour ouvrir des portes et des discussions.

Représentations culturelles

« Pour travailler les stéréotypes et les représentations, il faut d’abord que les élèves les nomment. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

On le sait, ce n’est pas toujours évident de trouver des (bonnes) représentations queer dans le monde du ciné, des pubs, des réseaux sociaux ou juste dans notre environnement culturel. Jaiden cite notamment Drag Race France et Pépites sexistes pour travailler sur les stéréotypes et le vocabulaire. Les élèves eux, citent Ben Névert et Lil Nas X.

« On voit toutes les informations que les élèves voient en ligne et à quel point ils les mélangent. Ils n’arrivent pas à replacer les différentes informations entre un mec qui va danser dans une église et le fait qu’il soit homosexuel. La symbolique que ça peut représenter, mais aussi la séparation entre le fait qu’il soit homo et juste lui, ce qu’il a envie de symboliser dans ses musiques. »

Jaiden, coordinateur et co-fondateur de l’association AERGES

Constamment exposés aux réseaux sociaux, pour les jeunes, les amalgames sont faciles. Deuxième objectif : replacer les discours dans leur contexte.

Les représentations culturelles queer ou de genre, à l’interne de l’association, les membres en parlent. Ces échanges permettent de se tenir au courant et de rebondir si le sujet est abordé en classe. Jaiden cite notamment Dora Moutot et la place qu’elle prend dans l’espace médiatique, tout en étant ouvertement transphobe. Que signifie cet espace de parole ? Est ce vraiment un sujet de débat ? Des sujets qui se posent à l’interne du projet AERGES.


L’association AERGES en intervention

Même si elles se font rares, les représentations positives queer sont régulièrement citées en exemple dans les ateliers. Les membres de l’association testent les dernières sorties ciné, se communiquent les actus et diversifient leurs sources. Troisième objectif : ne pas représenter que des personnes blanches, se former sur les questions de handicap… donc adopter une approche intersectionnelle, car « ce système ne fait de bien à personne ».

L’association AERGES sur les réseaux :


Cet article t'a plu ? Tu aimes Exprime ? Suis nos réseaux ou fais un don !