L’art gréco-romain à travers les époques : le tournant du XVIIIe au XIXe siècle

Fin du XVIIIe, la Révolution vient de passer. Un vent de liberté souffle et se ressent dans l’ensemble de la société : on ne veut plus de cet esprit monarchique et strict. Place à l’établissement d’une citoyenneté pour tous et (pas vraiment) toutes. L’extravagance et la légèreté du rococo viennent rompre avec les lignes strictes du classicisme. Mais très vite, la rigueur bien connue des siècles précédents est de retour, avec pour inspiration l’art antique. À l’orée d’un nouveau siècle plein de possibilités, et après un temps de renversement, le néo-classicisme vient en quelque sorte interrompre les espoirs. Retour sur cette période qui amorce un XIXe siècle pour le moins mouvementé.

Retour aux classiques

En 1748, les vestiges d’Herculanum et Pompéi sont retrouvés, et d’autres découvertes de trésors antiques s’ensuivent. Progressivement, le rococo, mouvement artistique valorisant des formes précieuses, s’efface. On retourne alors aux sources, soit celles de l’Antiquité (encore). De nombreux bâtiments publics, aujourd’hui toujours en place, sont construits dans un style dit néo-classique.

Ces imposantes bâtisses blanches reprennent des éléments des architectures antiques, comme par exemple le Panthéon, construit à Paris de 1764 à 1790. On y retrouve, entre autres, un élément caractéristique de l’architecture antique : les colonnes. Elles entourent le bâtiment, et à leur sommet se trouve ce qu’on appelle un chapiteau. Ici, il s’agit d’un chapiteau de style corinthien, car il est orné d’acanthes, plante à fleurs.

Panthéon (Paris) – à gauche & Reconstitution du Parthénon (Athènes) – à droite

Depuis plus d’un siècle, l’Académie royale de peinture et de sculpture est une institution d’État permettant un enseignement artistique de ces beaux-arts. Malheureusement, le code napoléonien de 1804 en interdit l’accès aux femmes. Une mesure restrictive pour les artistes féminines, qui voient leur droit à l’éducation encore une fois bafoué.

« Après la révolution et la fermeture de l’académie royale de peinture et de sculpture, les femmes n’auront pas accès à une éducation artistique gratuite d’état jusqu’à la fin du 19e siècle. »

Eva Kirilof – Une place

Dans cette académie, on prône le bon goût. Celui-ci est incarné par… l’art antique bien sûr. On lui attribue une valeur d’unité, de grandeur et d’héroïsme. Sans oublier celle de la démocratie, valeur alors au centre des préoccupations et suscitant moult débats.

Le peintre Jacques-Louis David est un fervent défenseur de ce bon goût. Il est alors d’usage de peindre des scènes tirées de la mythologie. Comme dans le tableau Les Sabines, ces scènes proviennent souvent de la mythologie romaine, elle-même largement inspirée de la Grèce antique. On observe une grandeur de geste chez tous les personnages de cette scène de guerre. Au premier plan, deux combattants habillés seulement d’un casque, d’un bouclier et d’une arme se font face. Entre eux, s’impose une des trois Sabines, libre de ses mouvements dans une robe légère.

Les Sabines, Jacques-Louis David (1796-1799), Musée du Louvre, Paris

Une brise de liberté

Le corset et son contrôle sur le corps féminin disparaît brièvement en cette fin de XVIIIe siècle. On s’habille alors selon la mode antique, et la taille des robes remonte jusque sous la poitrine.

Néanmoins, l’absence totale de corsage n’est qu’une illusion. Celui-ci ne disparaît pas et s’adapte à la taille haute avec le corset à la Ninon. Moins contraignant que les corsets des siècles précédents, il recherche une taille lisse et droite plutôt que fine.

Corset à la Ninon, in Costume Parisien (1810)
L’Impératrice Joséphine, Pierre-Paul Prud’hon (1805), Musée du Louvre, Paris

Distinction des sexes

Cette parenthèse vestimentaire, et donc d’un contrôle du corps, ne sera pas longue. On retourne rapidement à une réalité bien connue, avec le corsetage des corps (féminins évidemment, masculins bien moins). Le XIXe siècle est là, et la distinction entre le sexe féminin et celui masculin se fait de plus en plus forte. Jusque-là, les hommes portaient sans problème du maquillage, revêtaient des collants, des habits colorés et des talons hauts. Désormais, leurs tenues sont simples et sobres, voire même mornes. Il s’agit de subir le moins de contraintes vestimentaires possible, le confort plutôt que le fastueux. Cette période charnière dans l’histoire de la mode masculine s’appelle la grande renonciation à la parure.

Louis-Joseph Cartier, Atelier de Nadar, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Charenton-le-Pont

Tandis que le vestiaire des hommes se défait de ses parures trop encombrantes, celui des femmes se remplit. Les injonctions se renforcent, et la femme devient la vitrine de la richesse de son mari. Le corps féminin est un corps social est contraint. La crinoline, jupe métallique portée sous les vêtements pour donner du volume, entrave leur mobilité. Quant au corset, la révolution industrielle passant, il devient encore plus oppressant avec l’apparition d’œillets métalliques permettant d’affiner davantage la taille. Ainsi, tous ces ajouts au corps féminin entravent l’autonomie, les femmes de la haute société ne peuvent même pas s’habiller seule. De même, leur mobilité est limitée, encombrée par l’amas de tissus et de fioritures vestimentaires.

L’impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur, Franz Xaver Winterhalter (1855), Château de Compiègne

« La grande idée du siècle concernant les femmes, c’est la théorie dite des «sphères séparées». Les hommes sont fait pour aller dans le monde et les femmes pour rester à la maison. D’ailleurs, la preuve biologique : les hommes ont un zizi tourné vers le dehors et les femmes un vagin vers l’intérieur. Contrairement à la culture grecque antique, ici, à la suite de la théorie des deux moules, on fonde la domination masculine sur un état de nature. »

Les grandes oubliées – Titiou Lecoq

Alors que la fin du XVIIIe siècle connaît un basculement majeur, l’idée de nouveauté est rapidement mise de côté pour revenir à ce que l’on connaît le mieux : un ordre bien établi et un art strict, avec pour modèle l’indétrônable l’art antique. Ainsi, le début du XIXe siècle renferme et essentialise encore plus les femmes.

Cet art antique, à la Renaissance ou au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, est largement utilisé en défaveur des femmes. Aujourd’hui, la mythologie gréco-romaine et brandie par le sexe longuement désigné comme faible. Désormais, finis les corps sages… À suivre !


Cet article t'a plu ? Tu aimes Exprime ? Suis nos réseaux ou fais un don !