Dans l’épisode précédent : séparés de leurs parents à la Tour du Temple, le dauphin, Louis, et sa sœur, Marie-Thérèse, survivent tant bien que mal aux mauvais traitements. En juin 1795, le petit Louis XVII décède en captivité. Quelques mois plus tard, sa sœur est exilée. Elle retrouve son oncle, le comte de Provence, et son fiancé, le duc d’Angoulême (si vous souhaitez vous rafraîchir la mémoire, c’est par ici).
Après son mariage, Marie-Thérèse suit le reste de sa famille à travers l’Europe pendant les 15 années que durera leur exil. La prise de pouvoir de Napoléon et l’avènement de l’Empire en 1804, compliquent encore davantage leur existence. Au fil des conquêtes impériales et des traités, la liste des alliés des Bourbon s’amenuise…
La Première Restauration
Dans les années 1800, aucune monarchie européenne ne peut se permettre de contrarier Napoléon, en hébergeant sur leur sol le clan Bourbon. La famille royale finit par trouver asile en Angleterre, ennemi farouche de l’Empereur, où elle est réunie avec le comte d’Artois, frère cadet de Louis XVI et du comte de Provence, et son second fils, le duc de Berry.
Malgré ces errances, l’heure de la reconquête approche. En 1814, la victoire de la Sixième coalition entraine la chute du premier Empire et l’abdication de Napoléon. Après délibération, les pays coalisés désignent le comte de Provence comme successeur de l’Empereur. C’est la Première Restauration. Enfin, les Bourbon vont pouvoir rentrer en France !
L’oncle de Marie-Thérèse devient donc « officiellement » roi en avril 1814, sous le nom de Louis XVIII (pour les royalistes, il est roi depuis la mort de Louis XVII, en 1795). Une lourde tâche l’attend. L’absolutisme, mis en place par son aïeul Louis XIV, n’a plus sa place dans cette nouvelle France. S’il reste attaché à certains emblèmes de la royauté, comme le drapeau blanc, Louis XVIII reste un modéré. Son objectif est la réconciliation du peuple français avec la monarchie, et il a bien compris que, pour arriver à cette fin, il va devoir être conciliant. Il ratifie ainsi la Charte Constitutionnelle de 1814, garde le Code Civil napoléonien et donne plus de pouvoirs aux chambres des représentants.
Nouveau leader d’une nation divisée, Louis XVIII va œuvrer toute sa vie à la réunification française.
Cependant, les penchants modérés du roi ne plaisent pas à tout le monde, notamment à son frère, le comte d’Artois, et à sa nièce, Marie-Thérèse.
Celle-ci est devenue l’un des symboles de la Restauration ! Un symbole sur lequel son oncle s’est lourdement appuyé pour faire valoir sa légitimité au trône et pour réconcilier les Français avec la monarchie. En effet, depuis son exil en 1795, la popularité de sa nièce n’a fait qu’accroître. Son statut de fille de Louis XVI et de survivante de la Terreur en font une héroïne populaire ! Des livres sont écrits à son sujet et des pèlerinages ont lieu à la Tour du Temple, le lieu de son supplice. Malgré ses manières brusques et son sale caractère, son attachement indéfectible à la France lui vaut l’admiration du peuple.
Malgré, ou à cause de ses traumatises, la duchesse d’Angoulême est cependant restée très conservatrice. Attachée à la période pré-révolutionnaire et aux valeurs de ses parents, elle se rapproche du comte d’Artois, et de ses idées absolutistes. Les royalistes déçus par « la faiblesse » de Louis XVIII ne tardent pas à se rallier autour de la représentante de l’Ancien Régime.
L’Empire contre-attaque
Malheureusement pour les Bourbon, la lune de miel entre la monarchie et les Français ne dure pas. En mars 1815, moins d’un an après la restauration, Napoléon fait son grand retour. La famille royale est une nouvelle fois contrainte de fuir, délaissant Marie-Thérèse et son mari qui sont en voyage à Bordeaux.
Cependant, la duchesse d’Angoulême ne compte pas attendre tranquillement l’arrivée de l’Aigle. Elle est prête à se battre ! Elle enjoint la population à ne pas céder aux troupes de l’Empereur, et garde un oeil avisé sur la garnison. Mais ses efforts restent vains. Les soldats se rallient à la cause impériale et Marie-Thérèse est contrainte de quitter Bordeaux, le 2 avril 1815, escortée jusqu’au rivage par de fidèles royalistes.
Dernière Bourbon à quitter le pays, son courage est acclamé par Napoléon lui-même, qui la qualifie de « seul homme chez les Bourbon » (un peu sexiste, mais vu l’époque, on laisse passer). Depuis l’Angleterre, Marie-Thérèse soutient les royalistes français et encourage la septième coalition à bouter Napoléon hors de France une bonne fois pour toute.
Au bout de trois mois, elle est exaucée. Après un interlude de 100 jours, la maison Bourbon retrouve sa position et rentre en France.
La Seconde Restauration (cette fois, c’est la bonne !)
Ce second exil renforce Marie-Thérèse dans ses convictions conservatrices, et elle n’est pas la seule. Les Français (du moins ceux assez riches pour voter) ne semblent guère adhérer aux idéaux modérés de Louis XVIII. Celui-ci est désormais vu comme un lâche pour avoir fui. Lorsque le roi décide de dissoudre la chambre des députés en août 1815, les nouveaux élus sont à une majorité écrasante des ultraroyalistes. Nouveau mouvement politique, ceux qu’on surnomme les « ultras » rejettent la période révolutionnaire et prônent un retour à la monarchie absolue.
Marie-Thérèse et le comte d’Artois se réjouissent, alors que Louis XVIII se remet difficilement de ce désaveu de sa politique de réconciliation (et de son idée foireuse de dissoudre l’Assemblée).
A l’aube des années 1820, Louis XVIII est vieux, malade et politiquement contesté. Son frère, le comte d’Artois, attend son heure. Marie-Thérèse et Louis-Antoine d’Angoulême sont en deuxième position pour la succession, mais, n’ayant pas eu d’enfant, la pérennité de la lignée repose sur le frère cadet de Louis, Charles, le duc de Berry. (voir arbre généalogique au début de l’article pour ceux qu’on a perdu en route).
Malheureusement, celui-ci est assassiné, le 13 février 1820. Sa femme, enceinte au moment de l’attentat, mettra au monde un fils, Henri, surnommé « l’enfant miracle ». Marie-Thérèse prendra à cœur l’éducation de son neveu, et lui inculquera les idéaux et les valeurs absolutistes de l’Ancien Régime qui ont bercé sa propre enfance.
Le 16 septembre 1824, Louis XVIII décède. Il laisse le trône à son frère, le comte d’Artois, qui prend le pouvoir sous le nom de Charles X. Bien plus conservateur, il va effectuer un changement radical de politique vers l’absolutisme, qui précipitera sa chute.
Le dernier exil de Marie-Thérèse
Avec l’avènement de son oncle, Marie-Thérèse devient officiellement Dauphine de France. Elle soutient le nouveau souverain dans son rétablissement des codes absolutistes et parcourt le royaume afin de rapprocher la monarchie du peuple.
Cependant, le vent est en train de tourner. La connivence de Charles X avec les ultras et sa gestion absolutiste du royaume, en font un souverain impopulaire. Sa signature des ordonnances de Saint-Cloud, en juillet 1830, met le feu aux poudres et conduit au soulèvement des Parisiens. Contraint de se retirer, le roi abdique en faveur de son petit-fils, Henri. Il cède pour cela son titre à son fils, Louis-Antoine d’Angoulême, qui abdique aussitôt en faveur de son neveu. Marie-Thérèse est donc, techniquement, reine de France le temps que l’encre sèche.
Malgré l’abdication du roi, le trône est cédé à la maison d’Orléans. Pour la troisième fois de son existence, Marie-Thérèse doit quitter son pays. La famille Bourbon retourne donc en Angleterre, puis prend la direction de Goritz où ils s’établissent au château Coronini-Cronberg. Là-bas, la duchesse consacre la fin de sa vie à la prière et à l’éducation de son neveu et de sa nièce, dont la mère est restée emprisonnée en France.
Le 6 novembre 1836, Charles X décède. Pour les légitimistes, Marie-Thérèse devient alors reine de France et son mari roi, sous le nom de Louis XIX. En effet, à cette époque, les royalistes sont divisés. Il y a les orléanistes, qui reconnaissent Louis-Philippe d’Orléans, les légitimistes henriquinquistes, qui reconnaissent Henri V suite à l’abdication de Charles X, et les légitimistes carlistes, qui reconnaissent Louis XIX, en vertu du principe d’indisponibilité de la couronne (on est loin de l’unité rêvée de Louis XVIII…).
Par conséquent, lorsque Louis-Antoine/Louis XIX décède en 1844, les légitimistes carlistes rejoignent les légitimistes henriquinquistes et reconnaissent Henri V roi de France (vous suivez ?).
Marie-Thérèse s’éteint à son tour le 19 octobre 1851, à l’âge de 72 ans. Avant de mourir, elle remplit son ultime devoir envers la couronne en mariant Henri (Henri V pour certains) avec une princesse hongroise, Marie-Thérèse de Modène. De nombreuses monarchies, ainsi que la Deuxième République Française, honorent à travers l’Europe la mort de la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, dernière représentante d’un monde révolu.
L’héritage de Marie-Thérèse
Si la princesse s’en est allée, ses idées conservatrices lui survivront en la personne d’Henri V. Sa tante l’a en effet élevé dans l’optique qu’il deviendrait, un jour, roi de France lors d’une Troisième Restauration.
Il faudra attendre 1870 et la chute du Second Empire pour que la prophétie de Marie-Thérèse se réalise. Alors que l’Assemblée nationale devient à majorité royaliste, on se prépare pour le retour du roi. Malheureusement, les négociations entre les représentants royalistes (pour une fois, les orléanistes et les légitimistes sont d’accord) et Henri ne se passent pas comme prévu…
Ce dernier, fort des enseignements de sa tante, refuse de régner sous le drapeau révolutionnaire tricolore et impose le drapeau blanc de ses ancêtres. Les négociations s’enlisent, les groupes se divisent et, en 1875, les républicains reprennent l’Assemblée et instaurent une Troisième République. Henri a loupé sa chance. Il finira sa vie en exil et n’aura pas d’enfant, mettant ainsi fin à la branche aînée des Bourbon.
Ironiquement, ce sont les vues absolutistes, inculquées à Henri par sa tante, qui lui coûteront le trône de France. Tout comme elle, il ne sut s’adapter à la France post-révolutionnaire. Et dire que, si Marie-Thérèse avait finalement adhéré aux idées modérées de Louis XVIII, la France aurait peut-être un roi (ou une reine… non, on plaisante) à l’heure qu’il est.
Bien que cette branche s’en soit allée, d’autres branches royales ont survécu. Si la France redevenait royaliste en 2022, plusieurs prétendants pourraient ainsi faire valoir leur droit au trône de France. Mais cette histoire sera pour une prochaine fois !
Pour aller plus loin :
- Histoire pour tous : Marie-Thérèse Charlotte, duchesse d’Angoulême
- Secrets d’Histoire : Madame Royale, l’orpheline de la révolution
- Histoire et secrets : Marie-Thérèse de France
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