ARTS-VIVANTS – Portraits d’artistes #1

L’Art serait « non essentiel » en cette période de crise sanitaire. La culture, on peut la retrouver éventuellement sur nos écrans d’ordinateurs, or c’est sur scène, en direct, que les spectacles se ressentent le mieux.

Le spectacle vivant est riche d’une multitude de compagnies portées par des artistes passionnés. Ces artistes œuvrent chaque jour pour offrir au public le meilleur d’eux-mêmes et partager avec les spectateur.trice.s des moments de réflexion et d’émotion. Instants rares et précieux de rassemblement.

Au moment où les feux des projecteurs sont éteints, mettons en lumière les femmes et les hommes qui un jour ont décidé de faire de la scène leur métier.

Sophie Mayeux – directrice artistique de la Cie Infra (Danse et Marionnette)

Aller voir au-delà des apparences, ouvrir notre regard à un autre champ des possibles, c’est le credo de la Cie Infra dont la direction artistique est menée par Sophie Mayeux, jeune danseuse, chorégraphe et marionnettiste.

Début d’une vocation

C’est à l’âge de 15 ans, du côté de Noyon, dans l’Oise, que Sophie débute la danse contemporaine avec la chorégraphe Rachel Mateis. C’est la naissance d’une passion. Quelques années plus tard, c’est à des études d’Histoire et d’Économie, à Paris, que Sophie se destine quand elle reçoit la réponse de son admission au CCN de Roubaix (centre chorégraphique National) où elle restera 2 ans. Elle continue sa formation à l’école supérieure de Danse Artez Hogeschool d’Arnhem aux Pays-Bas durant 3 ans. En plus de sa pratique dansée, elle y développe un parcours théorique sur Les résistances face aux corps idéal dans les formes dramatiques contemporaines .

Son stage de 4ème année se déroule en France où elle rejoint la metteuse en scène et chorégraphe Amélie Poirier au sein des Nouveaux Ballets du Nord Pas De Calais. Elle participe à sa création: « Que ferez vous de mon profil facebook quand je serez morte? ». 

Les Nouveaux Ballets du Nord Pas de Calais sont à l’origine d’une entité nommé: Le Junior Ballet. Cet espace d’accompagnement aide, entres autres, les femmes artistes émergentes, à créer leurs compagnies. En 2018, grâce à ce soutien, Sophie forme sa compagnie.

Début d’une aventure

La jeune chorégraphe travaille sur la disparition du corps au profit de la matière. Elle décide d’appeler sa compagnie , la Cie Infra. Infra signifie « Ce qui est en deçà du visible ».

« La Métamorphose – Die Verwandlung – forme courte  » est le premier spectacle que Sophie met en scène. La pièce illustre à merveille la définition de la compagnie. En effet, dans cette courte création, les deux interprètes, Sophie Mayeux et Simon Caillaud, évoluent sur le plateau, cachés sous des couvertures de survie. Après plusieurs expérimentations, c’est sur cette matière que Sophie arrête son choix, car les couvertures de survie possèdent un fort potentiel de transformation.

Après l’obtention d’un prix lors du ITs festival aux Pays-Bas, Sophie souhaite développer son spectacle.

En 2019 ,toute l’équipe artistique se retrouve au Pays-Bas pour créer la version longue, pendant 5 semaines d’affilée. Durant ce processus de création , les trois danseur.se.s, Léo Lequeuche, Simon Caillaud et Hellen Boyco collaborent avec la metteuse en scène pour créer un spectacle de 50 minutes. Sophie dit garder un très  bon souvenir de ces semaines de travail, durant lesquelles le groupe a travaillé avec beaucoup d’envie et d’énergie dans l’objectif de faire grandir ce spectacle.

De la danse à la marionnette

La métamorphose le cerf volant
photo de Steven Ligthert

« La Métamorphose – Dir Verwandlung » interroge la place de l’humain dans l’univers. Cette création rejoint aussi le processus de réflexion que Sophie avait entamé lors de ses études aux Pays-Bas, sur les canons esthétiques, montrant ainsi qu’il n’existe pas de corps idéal et que le vivant n’est pas figé mais mouvant.

Le titre de la pièce emprunte son nom à la nouvelle de Franz Kafka. Dans le récit, le héros, transformé en scarabée, se débat contre cette société qui le stigmatise et le rejette. La révolte contre les préceptes établis inspire la chorégraphe qui propose d’explorer d’autres pistes où le mouvement est en perpétuel évolution. 

Le spectacle a été joué 20 fois pour la version longue et 60 fois pour la version courte en France, en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. En 2021, « La Métamorphose – Die Verwandlung » continuera sa tournée, sous sa forme courte et sa forme longue,

Désireuse de se former aux arts de la marionnette, Sophie a suivi en 2019/2020 une formation de 5 mois au Théâtre aux Mains nues à Paris. Son apprentissage se termine avec la création de la forme courte  « Couveuse »,  qui sera la base de sa prochaine création intitulé « Poussières ».

“Poussières” est encore en cours d’élaboration, mais on  peut dire que ce spectacle aura pour interprètes Sophie Mayeux et Tim Hammer dans une scénographie d’Ionah Melin. Qu’il y sera question d’une explosion volcanique, d’un univers apocalyptique et d’une marionnette qui se construit sous vos yeux ! Tout se passera dans une demie-sphère transparente d’1m50 surélevée du sol. Cette création abordera la fragilité du monde, confronté aux catastrophes naturelles et la lente reconstruction d’un être humain après avoir traversé de grandes difficultés. Une première résidence aura lieu en juin 2021, à l’Usinotopie, à Villemur-Sur-Tarn, suivie de deux autres à La Maison de la Marionnette, à Tournai, en septembre 2021, et au Chevalet de Noyon en octobre 2021.

Poussières cerf -volant

Transmission

En parallèle des représentations, Sophie attache une grande importance à la transmission artistique, en animant des ateliers et autres stages à destination d’un public d’enfants ou d’adultes.

Ces interventions artistiques sont aussi source d’enseignements pour la compagnie. Comme l’explique Sophie :

« Les enfants sont dans l’ici et maintenant et nous rappelle l’importance d’être dans le moment présent »

Sophie Mayeux

Ces interventions peuvent prendre différentes formes. Cela peut-être un projet sur plusieurs mois, comme lors du CLEA (Contrat local d’éducation) mené dans l’agglomération de Béthune-Bruay entre janvier et juin 2017. Lors de ses ateliers, différentes générations se sont rencontrées autour de la danse et du mouvement.

Elle a eu aussi l’occasion de collaborer avec d’autres artistes, comme la plasticienne Cécilia Borretaz. Ensemble, elles ont menés des ateliers pour la construction d‘une cabane avec une classe de CE1, de l’école primaire Michel Ange d’Amiens. Projet mené dans le but de créer un abri à hauteur d’enfant, dans lequel chacun.e peut se sentir libre de s’approprier l’espace.

Elle a pu également continuer d’explorer son travail sur la relation corps/matière en travaillant avec 8 comédien.ne.s de la Cie de l’Oiseau Mouche de Roubaix. Compagnie qui compte des comédien.ne.s professionnel en situation de handicap. 

cabane Cerf-volant
Sophie Mayeux avec quelques enfants de la classe de CE1 de l’école Michel Ange à Amiens. Crédit photo: Véronique Lespérat-Héquet

Une artiste sur tous les fronts

Sophie continue de nourrir sa créativité en participant, en tant que danseuse et marionnettiste, aux projets de compagnies qui portent des valeurs similaires à celles de la Cie Infra. On a pu la voir notamment dans le spectacle de Léo Lequeuche, « Cent Mille ans ». En 2021, on pourra l’applaudir dans le spectacle : « C’est un secret »  d’Aurélie Morin , Cie Le Théâtre de Nuit.

En plus de ses activités artistiques, Sophie est engagée au sein d’un projet européen, menée par Les Nouveaux Ballets du Nord Pas de Calais, qui interroge la place des femmes dans le spectacle vivant.

Malgré les difficultés, que peut présenter la création d’une compagnie, cette jeune femme de 28 ans a su faire preuve de persévérances pour présenter ses projets au public. Elle a su s’entourer d’une équipe d’artistes pluridisciplinaires et se renouveler en s’intéressant à d’autres formes d’art.

Les spectateur.trice.s ne peuvent que la remercier d’avoir choisi la voie de la danse, à Roubaix, plutôt que celle des études, à Paris, car cette artiste protéiforme, possède un univers  riche à nous faire découvrir.

Le lien entre corps et matière, que Sophie ne cesse d’explorer, fait écho de manière brûlante au lien avec le public, que la Cie infra souhaite retrouver plus vibrant que jamais.


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