Stephen King, l’horreur au quotidien

Le 23 octobre 2020 a été diffusé, sur ARTE, le documentaire Stephen King : Le mal nécessaire, réalisé par Julien Dupuy. Grand maître de la littérature d’horreur, Stephen King fascine autant qu’il déroute. Son impressionnant bestiaire de monstres et autres figures du mal, hantent nos pires cauchemars, dont certains sont devenus des figures mythiques de la pop culture. Du clown maléfique de Ça aux fantômes de Shining en passant par Christine, une voiture possédée par l’esprit d’un serial killer, King a créé toute une mythologie macabre et fantastique qui a fait de lui l’auteur le plus vendu au monde.

Stephen King: Le mal nécessaire de Julien DUPUY, 2020

De la page à l’écran

Avec plus de soixante romans publiés et deux cents nouvelles, Stephen King est l’un des écrivains les plus prolifiques de ces cinquante dernières années. Normal donc, que le cinéma l’ait adapté de nombreuses fois, avec plus ou moins de talent et de succès. Dès son premier roman Carrie, Hollywood lui fait les yeux doux avec ni plus, ni moins que Brian De Palma aux commandes de son adaptation. Le succès est au rendez-vous et plusieurs autres grands noms du cinéma viendront mettre en images les récits de l’écrivain tantôt horrifiques (Shining de Stanley Kubrick, Christine de John Carpenter, Dead Zone de David Cronenberg…) tantôt dramatiques (Stand by me de Rob Reiner, La ligne verte et Les évadés de Frank Darabont) . 

Alors qu’un insupportable virus nous oblige encore et toujours à rester cloîtrés le plus possible chez nous, le cerf volant vous invite à découvrir ou redécouvrir deux œuvres de Stephen King : le roman, Les régulateurs, et l’adaptation cinéma de The Mist par Franck Darabont.   

Détruire le mythe américain

Les Régulateurs nous raconte l’histoire d’habitants d’une petite banlieue pavillonnaire aux prises à d’étranges assaillants meurtriers, créés et contrôlés par un être maléfique. Ce dernier a pris possession de l’esprit d’un enfant autiste du quartier et utilise les dessins animés et les publicités pour jouets qu’il regarde à la télévision, pour manipuler et modifier la réalité des habitants. 

Les régulateurs de Richard Bachman a.k.a Stephen King

La genèse 

Publié en 1996, sous le pseudonyme de Richard Bachman, Les Régulateurs fut dans un premier temps conçu comme un scénario pour le cinéma, à la fin des années 70. La première version était un western, intitulé The Shoot Gunners. Le réalisateur Sam Peckinpah était pendant un temps attaché au projet, mais mourut avant de pouvoir s’y atteler. 

King oublia le script jusqu’en 1994 où, alors en pleine écriture de Désolation, l’idée lui vient de reprendre l’idée de The Shoot Gunners et d’y incorporer les personnages de Désolation. C’est ainsi que Désolation et Les Régulateurs sortirent le même jour, mais sous deux noms différents. 

Pour la petite anecdote, Stephen King décida d’utiliser un pseudonyme pour savoir si son succès était dû à son nom ou à son talent. Toutefois, cette question reste un mystère pour l’auteur, car le pot aux roses fut très vite découvert. Par conséquent, les différents romans signés Richard Bachman ont été de vrais best-sellers.

Une féerie banlieusarde trash

Dans ce roman, Stephen King utilise une fois de plus le concept de l’horreur dans le quotidien. Les personnages sont piégés dans un lieu familier qui se referme sur eux. Il est intéressant de faire un parallèle avec les féeries banlieusardes du cinéma américain des années 80. A l’instar de Spielberg qui faisait entrer le fantastique merveilleux dans la vie ordinaire de ses héros, notamment dans E.T ou Rencontre du 3ème type, King dézingue le mythe de la banlieue américaine bien sous tout rapport. Il n’hésite pas à critiquer le problème de la légalisation des armes à feu ainsi que l’aliénation morbide de la télévision américaine, spécialement chez les plus jeunes.

Les Régulateurs n’est pas le roman le plus cité, ou reconnu, de Stephen King, mais reste néanmoins une œuvre où se regroupent toutes les thématiques chères à l’écrivain. Il arrive une nouvelle fois à faire ressortir au grand jour, la part sombre de l’humanité tout en y incluant un sous-texte politique en filigrane. 

Ecran de fumée

The Mist met en scène une poignée d’habitants d’une petite ville américaine, réfugiés dans un supermarché alors qu’une étrange brume dans laquelle rôdent d’horribles créatures les empêche de sortir.

Brume de Stephen King

La nouvelle de King, paru en 1985, était construite comme un huis clos horrifique. Une sorte d’expérience sociale sur la façon dont des individus affrontent un événement traumatisant et comment ils révèlent leurs pires pulsions les uns envers les autres. 

Quand le réalisateur Franck Darabont s’attelle à l’adaptation cinéma en 2006, les Etats-Unis commencent à peine à se remettre des événements du 11 septembre 2001. La peur du terrorisme est encore très vive dans les esprits. Certains films comme La guerre des Mondes de Steven Spielberg, sorti deux ans plus tôt, montraient à travers le prisme de la science-fiction, une Amérique attaquée et traumatisée par une puissance extérieure. The Mist fait partie de ces films témoins.

Derrière son aspect de série B, le film est un reflet de son époque et de son pays. Ainsi, comme dans la nouvelle, le film critique les dérives du fanatisme religieux, transformant certains personnages en êtres monstrueux prêts à tout pour s’en sortir, reléguant les véritables créatures au second plan.

The Mist de Frank Darabont, 2007

Bien que le film ne soit pas le chef d’œuvre ultime du cinéma d’horreur, vous y trouverez tout de même de quoi frissonner pendant deux heures. Darabont, grand spécialiste des adaptations ciné de Stephen King réussit à retranscrire le suspense et les scènes de tensions dont l’écrivain a le talent. 

Je fais de mon mieux pour vous faire peur (…) c’est un sale boulot, mais quelqu’un doit le faire.

Stephen King

Véritable génie du mal, Stephen King s’amuse à sonder nos esprits d’êtres ordinaires pour nous faire vivre des aventures extraordinaires, à la limite du soutenable. Plus qu’un simple écrivain de romans fantastiques macabres, il analyse les déviances de l’être humain qui cache en lui une folie qu’il n’ose mettre au grand jour. 

Stephen King


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