Série B : Ciné fait-moi peur !

Quand on parle de cinéma, on pense aux grands réalisateurs, aux films qui ont marqué leur époque et révolutionné le genre. On pense peut-être aussi Hollywood, récompense, Oscar et Palme d’or. Oubliez tout ça et plongeons, sans plaisir coupable, dans l’univers des films de genre, des nanars, des navets, des films indés aux blockbusters colossaux.
Et puisque qu’Halloween approche à grand pas, c’est l’occasion de jouer à se faire peur avec des films d’horreurs.

Aux racines de la peur

On pourrait penser que le genre du cinéma d’horreur est plutôt récent, pas une sortie ciné ne s’accompagne de son nouveau film d’horreur. Pourtant, comme le rire ou la tristesse, la peur fait partie de l’ADN du cinéma. Ce n’est pas notre ami George Méliès et ses expérimentations cinématographiques qui nous contrediront. Il s’essaye au genre en 1896 avec Le manoir du diable puis, en 1898, La caverne maudite, qui sont considérés comme ce qu’on appellera plus tard les « films d’épouvantes ».

manoir du diableLe manoir du diable, 1896, George Meliès

L’épouvante, comme on l’appelle aujourd’hui, va être un ressort cinématographique des expressionnistes allemands des années 20, avec le célèbre Cabinet du Docteur Caligari 1920, qui pose les bases du genre horrifique.

Il introduit une esthétique, des personnages et thèmes qui seront tant d’inspirations pour les films de monstres à venir. L’inconnu nous effraie. Depuis toujours des légendes et des monstres peuplent nos récits au coin du feu, mais désormais, étrangeté, difformité, monstruosité prennent vie sur le grand écran.

Les monstres connaîtront leur apogée avec la Hammer film production, qui en fera son fond de commerce en popularisant des créatures de littérature comme Dracula, Frankenstein et autres momies.

cerf volant

On pourrait citer bien d’autres films, mais savoir où et quand est né le genre de l’épouvante ne dit pas de ce qu’est la peur au cinéma. Chaque spectateur aura une approche, une sensibilité différente en fonction des époques.

Ce qui nous faisait peur avant devient grotesque aujourd’hui. 

L’imaginaire de la peur diffère en fonction du contexte et est façonné par l’histoire du cinéma. On a tous un film qui nous hante. Tu sais, ce film d’enfance qui vient nous rappeler la première fois qu’on a ressenti un malaise devant quelque chose sensé nous divertir.

morgan the slug cerf volant

Ce malaise, c’est ce que Freud appelle «l’inquiétante étrangeté». C’est ce frisson qui vient te parcourir la nuque sans que tu ne saches trop pourquoi.

Get Out, 2017, Jordan Peele

La peur naît dans l’imaginaire, dans ce que l’œil ne voit pas. C’est la chemise sur la chaise qui prend la forme d’une silhouette dans l’obscurité de la nuit. C’est tout ce qui se passe ou ne se passe pas dans le hors-champs.

Mais alors, c’est quoi un bon film d’horreur ?

Qu’est-ce qu’on juge pour décider qu’un film d’horreur est bon ? La technique ? L’histoire ? La crédibilité des événements ? Les hectolitres de sang ? Faut-il que ce soit un film pop-corn ou au contraire un film profond avec des partis pris cinématographiques audacieux ?

On remarque qu’un film d’horreur efficace ne montre pas la menace, il la suggère. Ce qui est, avouons-le, paradoxal, car lorsqu’on va voir un film de monstre, on s’attend, on espère le voir, ce satané monstre !
C’est pour cela que des séries comme The Haunting of Hill House ou plus récemment The Haunting of Bly Manor de Mike Flanagan, nous ont foutu les chocottes en ne montrant presque rien (ou en cachant bien ses fantômes!). 

Ju-On: The Grudge, 2003, Shimizu Takashi

L’enjeu même des films d’horreurs est de réinventer en permanence ses codes pour continuer de provoquer la peur. Le premier Paranormal Activity l’a assez bien compris avec ses trois quarts de film qui ne montre pas grand-chose, si ce n’est une menace invisible mais néanmoins oppressante.
Comme on le dit si bien: « On peut sursauter une fois devant un Jump scare mais pas mille fois devant mille Jump scare. »

bd cerf volant magazine la peur

Une fois qu’un code est connu du public, il quitte presque immédiatement le champs des outils disponibles pour le réalisateur. On sait comment regarder un Paranormal Activity, on sait qu’il faut chercher après les fantômes cachés dans la série The Haunting. L’effet de surprise participe à la construction du récit horrifique.

La peur, comme la tristesse, au cinéma, est toujours entrecoupée de rires et scènes comiques pour renforcer la tension, parfois bien ou mal amenées. Car dans toute recette, il faut savamment doser les ingrédients qui feront soit un succès ou un four total. On va surtout voir un film d’horreur pour rire entre amis avec un bon paquet de pop-corn et ça, l’industrie du cinéma l’a bien compris.

Le genre de l’horreur est le plus protéiforme, le plus « casse-gueule » aussi. Il comporte son lot de pépites et de navets incompréhensibles. Comme un bébé qui commence à marcher et s’approche un peu trop des escaliers, on retient son souffle, en espérant ne pas assister à un fracas grotesque. Il est difficile de savoir si l’on va voir un « bon film » au moment de s’asseoir lorsque l’obscurité de la salle s’abat sur nous. Mais finalement, c’est sûrement ce que l’on recherche, non ?

 

C’était Morgan the Slug, fraîchement arrivé à bord du Cerf volant pour raconter des bêtises.
On se retrouve prochainement pour parler de films qui tâchent, qui ratent, de films bizarres et perchés, mais qu’on fini par apprécier malgré leurs défauts.

Si toi aussi tu aimes te faire peur, on te recommande ceux-ci, à découvrir ou redécouvrir pour Halloween :

  • Gonjiam: Haunted Asylum, 2018, Jeong Beom-sik ;
  • It Follows, 2014, David Robert Mitchell ;
  • The Mist, 2007, Frank Darabont.


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