La course de Noël, quand son organisation nous fait oublier le sens de la fête

Chaque année c’est la même épreuve. Le rush inévitable des fêtes de fin d’année. La vague commerciale qui vient envahir nos écrans et submerger notre quotidien : -50% sur les jouets, -30% sur le numérique ! À l’affût du moindre centime à économiser, tête baissée, en fonçant dans les rayons, n’en oublions nous pas l’essence même des festivités ?

Noël à tout prix

Noël, la période la plus magique de l’année. Les rues sont ornementées de luminaires, la neige couvre les rues du centre-ville pavé, le marché de Noël offre de bons vins chauds pour se réchauffer… Les gens envoutés par cette chaleur réconfortante peuvent enfin s’évader du quotidien, passer un moment hors du temps parmi leurs proches, les êtres aimés.

La Grand Place de Lille en décembre 2023. Photo : Emilie (Exprime).

Noël c’est aussi la période où la générosité se voit exacerbée. Un pic de dons est remarqué, les associations d’aide humanitaire ou dédiées à la charité sont des plus actives au court de ce rude hiver. On oublie ses problèmes pour se dédier à l’assistance des plus démunis. Dans ces temps, voisins et amis se serrent les coudes pour vivre un moment de pure fraternité.

Mais est ce bien toujours le cas ? À l’ère de l’ultra-connecté dans laquelle nous vivons, tout va plus vite, tout est production acharnée, rapide et efficace dans le but d’une atteinte des chiffres demandés par notre entreprise qui nous versera le gros bonus de fin d’année. Gros bonus qui servira à gâter les enfants et réjouir les parents de voir un sourire sur le visage de leurs proches.

La course ne s’arrête pas au domaine du travail, elle s’étend à la vie privée avec la quête du meilleur cadeau, du meilleur menu, en résumé, du meilleur réveillon pour satisfaire nos proches en ces fêtes censées nous rapprocher. Noël est ainsi devenu une raison de plus pour consommer.

Revivre noël

Si nous reprenons les valeurs associées à cette fête, héritée de la chrétienté, y préfigure les notions de compassion, solidarité, générosité. Manque donc à l’appel cette fameuse consommation, nouvelle définition qu’on semblerait avoir attribuée à Noël.

Les trois valeurs sus-citées, renvoient immédiatement à un caractère social, d’un lien que l’on peut exercer avec autrui. En effectuant nos achats sur des plateformes toujours plus compétitives en termes de prix, ce lien est inévitablement rompu. Plus besoin d’aller demander au conseiller de vente un avis sur le jouet, chat gpt saura vous aiguiller !

Si l’on s’attarde un peu plus sur la solidarité, qui selon le Robert est une « relation entre personnes qui entraîne une obligation morale d’assistance mutuelle », on s’éloigne encore de l’essence même de cette fête. Acheter nos produits sur Shein, ou Amazon promouvant l’exploitation humaine (et par ailleurs de l’environnement) détonne un peu avec la notion de réciprocité dans nos échanges humains.

On en vient donc au fameux impact environnemental de nos cadeaux de Noël. Consommer, c’est nécessairement avoir un impact. Un livre nécessite du papier, donc abattage de forêts. Un habit nécessite moult quantité d’eau, donc une perte de cette ressource qui se raréfie déjà. Et nous n’oserons nous attarder sur l’impact de tout objet numérique. Ainsi n’est il pas temps de redéfinir Noël ? Et ainsi en profiter pour revoir nos modes de consommation.

à la rencontre des commerçants

C’est avec cette intention que nous sommes allés questionner des spécialistes de la vente et du commerce pour éclairer nos lumières sur les achats effectués à Noël.

Dans le centre de Lille, la bouquinerie et friperie Oxfam reversant leurs bénéfices à l’ONG du même nom ont répondu à l’appel. Cédric et Rafido, les deux gérants, seuls salariés, ont évoqué l’idée d’une idéalisation du cadeau parfait et neuf et à quel point il est, de fait, compliqué d’offrir un livre ou un habit déjà utilisé.

Et à Justine, salariée chez Slowmod, friperie de la rue Pierre Mauroy, d’appuyer « on est une friperie mais on ne fait pas que du vintage, on a des pièces qui ont parfois été portées deux fois, encore à la mode, et surtout elles sont toutes nettoyées par nos soins ». Rafido vient tout de même rappeler avec une pointe d’optimisme « les gens osent de plus en plus s’aventurer dans le seconde main, nos bijoux partent rapidement par exemple ».

Magasin Slowmod, rue Pierre Mauroy à Lille. Photo : Camille Quéval

À nous donc de sauter le pas et aller déambuler dans leurs rayons plus ou moins organisés et admirer leurs vitrines de Noël réalisées pour l’occasion.

« Les gens viennent ici plutôt par hasard, en passant devant et entrent par curiosité, personne ne vient dans notre bouquinerie avec une idée précise en tête, et d’ailleurs ce service que propose a contrario le commerce en ligne, nous a fait beaucoup de mal dans la profession ».

Cédric, gérant de la boutique Oxfam, Lille

l’importance de la proximité

Bien que la part de personnes ayant effectué des achats sur internet n’ait cessé de s’accroitre avec la période Covid, allant se maintenir à 76% d’achats en ligne au sein de l’Europe en 2021, on observe un discours à contre courant. En effet, 89% des français désirent consommer d’avantage de Made in France et 63% affirment leur intention de soutenir les producteurs et commerces locaux.

La tendance à la fermeture de la plupart de nos petits commerces de proximité ne serait donc pas dû à un attrait particulier de la population pour les géants du net, mais certainement à une question sociétale plus systémique : comment réévaluer notre mode de vie, en tant que communauté, pour une consommation plus locale et durable, et de fait plus connectée à nos commerçants, à nos voisins, à la vie ?

Dans le tumulte du train-train quotidien, Noël peut s’avérer être une vraie charge mentale supplémentaire. Et si nous changions d’angle de vue et le voyons comme une occasion pour ralentir ?

Noël c’est le moment idéal pour récréer le lien, que nous perdons de jour en jour, avec nos voisins, nos commerçants et même nos proches. En cette fin d’année, ré-apprécions le temps passé à effectuer nos cadeaux, en les faisant personnalisés, fait-main si l’on s’en sent capable ou en suivant les conseils des personnes dont c’est le métier. Réattribuons à Noël sa signification intrinsèque.


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