Les mangas, originaires du Japon, ont conquis le public international depuis les années 1980. Véritables phénomènes de société, ils constituent aujourd’hui une force culturelle mondiale. Bien plus qu’un simple divertissement, ils incarnent une forme d’expression artistique unique, née d’une société riche et complexe.
Aux origines du phénomène
Le manga, bande dessinée (BD) japonaise, se présente sous la forme d’un roman illustré avec un style graphique unique en son genre. Il prend racine dans l’art traditionnel servant aux récits religieux, historiques, ou folkloriques, comme les rouleaux narratifs du VIIIe siècle.
Dans les années 1900, le premier manga naît sous forme de dessins humoristiques dans la presse japonaise. C’est dans l’après-guerre, sous l’influence du comic américain, qu’il émerge en tant que forme d’art distincte et puissante.
Les codes du manga constituent une rupture à la BD occidentale à de nombreux égards. Pour commencer, il se lit de droite à gauche en commençant par la dernière page, ce qui correspond au sens de lecture japonais. L’histoire est divisée en plusieurs cases qui ont un ordre de lecture.

La plupart des mangas sont en noir et blanc, hormis la couverture. C’est pour limiter le coût d’impression et soutenir le rythme élevé de parution. Mais l’absence de couleurs n’enlève rien à son charme.
Une classification genrée
Les mangas sont répertoriés en quatre genres principaux :
- Le Shōnen (garçon ou jeunesse) met en avant les valeurs telles que la persévérance, l’amitié, l’aventure, la victoire. Des références célèbres : Naruto, One Piece, Jojo’s Bizarre Adventure.
- Le Shōjo (adolescentes) traite de valeurs similaires : effort, poursuite des rêves, amitié, amour. Des exemples : Kilari, Jewel Pet.


- Le Kodomo est principalement destiné aux enfants et propose des aventures amusantes et légères, des personnages attachants et des antagonistes “pas si méchants”. Pokémon est un exemple phare.
- Le Seinen cible les jeunes adultes, en particulier les hommes de 18-30 ans. Ce genre aborde des thèmes matures, réalistes, violents voire gores. Par exemple, L’Attaque des Titans est connu pour ses scènes de combat parfois crues.
- Le Joseil déploie des récits profonds, authentiques, qui résonnent avec le lectorat adulte féminin. Nana est une série connue pour aborder la nostalgie, la rupture, la tristesse, la solitude.
Ces cibles éditoriales servent à sectoriser le marché et jouent massivement sur les stéréotypes de genre. Par exemple, les histoires d’amour sont très souvent des shōjo, tandis que les récits de combat sont très souvent des shōnen. La
couverture et le style graphique reprennent souvent les codes traditionnels : tons roses et pastels pour les filles, combo noir et rouge pour les garçons. Au Japon comme à l’étranger, les mangas en top des ventes sont tous des shōnen, et les
héros restent masculins. Si les filles lisent volontiers du shônen, l’inverse est moins vrai, même si cela évolue.
LEs clés du succès
En 2024, le marché du manga au Japon a franchi les 5 milliards de dollars, notamment par les ventes numériques. Ce succès est essentiellement dû à la grande diversité de thèmes abordés, leurs récits captivants dotés de
personnages complexes et attachants, et leur esthétique visuelle originale et dynamique.
Certains mangas sont considérés comme de véritables œuvres d’art tant les dessins sont détaillés. C’est le cas de One Punch Man, un homme qui, après un entraînement extrêmement difficile, est capable de vaincre n’importe quel ennemi (humain, monstre, extraterrestre) avec un seul coup de poing.

Le manga condense des influences passées (arts martiaux, samouraïs), présentes (crise économique, environnement) et futures (nouvelles technologies). Il offre une perspective unique sur les contradictions du Japon contemporain, tiraillé entre tradition et hypermodernité, entre collectivisme et individualisme croissant. Il permet aussi de traiter de sujets souvent considérés comme tabous comme la condition de la femme, les questions de genre et d’identité, ou l’homosexualité.
Pour finir, un atout du manga est son accessibilité financière par rapport à la BD française et aux comics américains. Les mangas sont moins chers, à l’unité (entre 7 et 10€), que la BD (environ 14€). Par contre, les mangas se lisent en série… si tu deviens accro, ça ne sera plus le même budget.
Le manga permet une multitude de produits dérivés : jeux de cartes, jeux vidéos, jouets, figurines, films d’animation. Un exemple est la franchise Pokémon, à l’origine jeu vidéo devenu manga puis décliné en jeu de cartes et autres produits.
Le manga, ambassadeur du Japon
Au tournant du XXIe siècle, le manga est devenu, dans certains pays occidentaux, un élément incontournable de la globalisation culturelle. En France, il se fait d’abord connaître à travers les dessins animés, dans les années 1970 et 1980.
L’hexagone est devenu le deuxième consommateur mondial, avec plus de 40 millions d’exemplaires vendus en 2023. La plupart des librairies et grandes surfaces proposent une vaste sélection et le Pass Culture a d’ailleurs démontré que les jeunes en lisaient massivement. Le manga séduit toutefois de plus en plus un public de cadres trentenaires ou plus âgés.
Le manga est devenu une industrie florissante et un produit d’exportation majeur. En 2024, le gouvernement japonais espérait quadrupler en 10 ans les recettes liées aux mangas et autres contenus. C’est la stratégie “Cool Japan“ qui vise à renforcer sa puissance diplomatique à l’échelle internationale.
Cela fait partie du concept de soft power : un outil capable d’exporter le modèle culturel du pays, à l’image d’un ambassadeur. Il se traduit concrètement par l’essor du tourisme : des fans visitent le Japon chaque année pour découvrir les lieux emblématiques de leurs œuvre favorites. Des agences de voyages japonaises conçoivent même des circuits sur mesure. C’est le “manga trip “ : visites de temples, quartiers avec des boutiques spécialisées (Akihabara à Tokyo), ou encore musées dédiés (musée international du manga à Kyoto).
En somme, le manga est un phénomène incontournable du dessin narratif. Il se distingue par son univers singulier et ses codes graphiques.
Article réalisé par Ruth, rédactrice bénévole.
Cet article t'a plu ? Tu aimes Exprime ? Soutiens-nous en faisant un don !