En 52 avant JC, Jules César déclara « Horum omnium fortissimi sunt Belgae ». Ou, pour ceux qui préféraient Astérix au cours de latin : « De tous les peuples de la Gaule, les belges sont les plus braves ».
On ne sais pas si les guerriers belges de l’époque étaient véritablement les plus braves. Mais s’il y a bien un soldat belge des temps modernes susceptible de donner raison à ce cher Jules, c’est Sir Adrian Carton de Wiart.
Un belge chez les britanniques
Adrian Carton de Wiart est né le 5 mai 1880 dans le milieu aristocratique bruxellois. Ses parents divorcent alors qu’il n’a que 6 ans. Il se retrouve alors balloter entre l’Égypte, où son père exerce la profession de magistrat, et les internats britanniques.
En 1899, avant même d’avoir atteint sa majorité, Adrian s’enrôle dans l’armée anglaise sous une fausse identité. Gravement blessé à la jambe lors de la seconde guerre des Boers, il est rapatrié chez lui où son père tente de le convaincre de reprendre ses études. Malheureusement pour lui, son fils semble avoir trouvé sa vocation.
« J’ai tout de suite su que j’étais né pour ça ».
Adrian Carton de Wiart
Dès qu’il peut de nouveau tenir debout, Adrian repart se battre. Au fil des années, il gravit les échelons et accumule les récompenses. En 1907, il se fait naturaliser anglais.
À l’été 1914, Adrian est envoyé au Somaliland (actuel Somalie) afin de mater une révolte. Au même moment, la première guerre mondiale éclate en Europe. Pas de chance…
Heureusement pour lui (si l’on veut), il ne tarde pas à être de nouveau blessé. Cette fois, il perd un œil et un bout d’oreille. On le rafistole comme on peut puis, à sa demande, on l’envoie en Europe au début de l’année 1915. Commencent alors les plus glorieuses années de sa carrière !
Un héro de la guerre des tranchées
Heureux comme un pape, avec son œil et son morceau d’oreille en moins, Adrian se voit confier le commandement d’un bataillon d’infanterie. Il s’avère être un leader hors-pair, menant lui-même ses hommes à travers le no man’s land.
À force de prendre des risques inconsidérés, Adrian continue de se faire dégommé sur les champs de bataille. Il perdra ainsi sa main gauche, son autre oreille et recevra même une balle en pleine tête pendant la bataille de la Somme ! À chaque fois, il survit, passe quelque temps à l’hôpital, puis retourne sur le front. Son endurance terrifie autant l’ennemi que son propre camp.
Oui car Adrian a parfois du mal à comprendre pourquoi certains de ses soldats refusent de se battre alors qu’il pleut des obus. En plus d’être totalement inconscient, il n’est pas non plus très empathique. N’hésitant pas à mener les récalcitrants au combat à coup de trique, il est contraint de se dessaisir de son révolver afin d’éviter tout « accident ».
En 1916, après avoir rassemblé plusieurs bataillons en déroute et les avoir mené jusqu’à la victoire, il reçoit la Croix de Victoria, la plus haute distinction britannique. Pas mal pour un troufion belge. Les journaux soulignent son courage, son sang froid et « sa galanterie qui nous inspire tous ».
En 1918, alors que tout le monde en Europe est au bout de sa vie, notre petit éclopé belge continue de briller dans les tranchées tout en enchainant les séjours à l’hôpital. Sir Adrian Carton de Wiart terminera la guerre avec le grade de Major et son optimisme intact.
« Franchement, j’ai adoré la guerre »
Adrian Carton de Wiart à propos de la première guerre mondiale
Une retraite mouvementée
Suite à la signature du traité de Versailles, Adrian est envoyé en Pologne. À la tête des forces britanniques sur place, il a pour mission de stabiliser la nouvelle frontière. Après avoir repoussé les Ukrainiens, les Russes et les Lituaniens, notre valeureux héro prend une retraire bien méritée à la fin de l’année 1923. Il s’établit alors en Pologne, dans un grand domaine, et passe son temps à la chasse.
Cependant, après 15 ans de quiétude, Adrian est contraint de reprendre du service. Aux premières loges lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, il aidera à l’évacuation des ressortissants britanniques et du gouvernement polonais. Il quittera ensuite son pays d’adoption avec littéralement l’aviation allemande aux fesses.
Trop âgé pour être renvoyé sur le terrain, le soixantenaire est chargé des négociations entre l’Angleterre et la Yougoslavie. Alors qu’il se rend en mission, son avion est la cible de tirs ennemis et s’écrase en mer méditerranée.
Encore une fois, la vie d’Adrian aurait pu s’arrêter là. Mais c’était sans compter sur son extraordinaire capacité à défier la mort. Il survécut au crash et nagea, avec une seule main, jusqu’à la terre ferme. Le territoire sur lequel il s’échoua étant sous contrôle italien, il fut fit prisonnier et incarcéré dans un camp pour officiers.
Pendant les deux ans que durèrent sa captivité, Adrian participera à plusieurs tentatives d’évasion, dont une par tunnel. La plus réussie l’amena à se déguiser en paysan italien. Cependant, étant facilement reconnaissable avec son bandeau et son moignon, il fut recapturé après seulement une semaine de vadrouille.
En 1943, Carton de Wiart fut enfin relâché par les autorités italienne. À peine de retour en Angleterre, il est de nouveau envoyé en mission, en Chine cette fois, en tant que représentant de Churchill auprès de Tchang Kaï-chek. Il y passera le restant de la guerre.
En 1947, Adrian se retire une seconde fois de l’armée avec le rang de lieutenant-général. Il passe quelques temps en Asie avant de s’établir en Irlande, dans le comté de Cork. La mort finira enfin par venir l’y trouver en 1963, à l’âge de 83 ans. On pourra dire qu’il l’a bien fait courir…
Décompte des infortunes d’Adrian
Vous l’aurez compris, en plus d’être un soldat extraordinaire, Adrian Carton de Wiart avait également une chance hors du commun ! De part sa ténacité, il a survécu à des blessures et à des accidents qui en auraient envoyé plus d’un directement au cimetière. En voici une petite liste, non exhaustive :
- une balle dans l’estomac (Boers)
- une balle dans l’aine (Boers)
- une balle dans l’épaule (Somaliland)
- deux balles dans l’œil (Somaliland)
- une balle dans l’oreille (Somaliland)
- s’est arraché lui-même ses doigts blessés après que le docteur ait refusé de les amputer (1ère GM)
- perd sa main (1ère GM)
- une balle dans la tête (1ère GM)
- un éclat d’obus dans le genou (1ère GM)
- perd une oreille (1ère GM)
- un éclat d’obus dans la hanche (1ère GM)
- a repoussé tout seul une attaque cosaque sur le train dans lequel il voyageait. (entre deux guerres)
- a survécu à DEUX crash d’avion (2e GM)
- a survécu à un camp de prisonnier (2e GM)
- a critiqué la pensée communiste devant Mao Zedong (2e GM)
Pour aller plus loin :
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