Youssef Salem a du succès : la nouvelle pépite de Baya Kasmi

Avez-vous déjà rencontré un auteur de roman qui ne rêve pas de célébrité, de prix Goncourt, de succès médiatique ? Un auteur qui, justement, fuit le succès à n’importe quel prix ? C’est le cas de Youssef Salem. Lorsqu’il décide d’écrire un roman dont l’histoire ressemble étrangement à sa propre vie, l’auteur se voit plongé dans un tourbillon médiatique lié au succès de son œuvre. Mais gare à vous si vous osez lui dire que son récit est autobiographique, car si Youssef souhaite bien une chose, c’est rester anonyme ! Chères lectrices, chers lecteurs, nous vous proposons aujourd’hui de découvrir pourquoi il faut absolument foncer voir Youssef Salem a du succès au cinéma.

Une réalisatrice qui n’a pas peur de parler « tabou »

Tramé sur la relation que l’auteur, interprété par Ramzy Bedia, entretient avec sa famille, ce film fait écho aux sujets prohibés du sexe, de l’intime et du politiquement correct au sein des familles maghrébines. Il s’agit d’une thématique encore bien actuelle et tabou, non seulement dans la culture maghrébine, mais également dans beaucoup de familles de culture occidentale.

Ayant évolué au sein d’un foyer où le « non-dit » règne en maître, l’auteur se persuade étant petit que ses désirs et fantasmes sont mauvais et résulteront nécessairement d’une punition divine s’il se laisse déborder. Sur un ton mi comique mi satirique, la réalisatrice Baya Kasmi s’empare une nouvelle fois d’une cause sensible et actuelle. Elle la traite avec une grande finesse d’esprit et un sens de l’humour toujours aussi juste.

Autre raison d’aller voir cette comédie : vous retrouverez des thématiques bien familières. Une chose est sûre, beaucoup de personnes pourront se reconnaître dans cette famille où chamailleries et mensonges règnent en maître.

Rythmé par cette dualité entre grande complicité et engueulades entre frères et sœurs, Baya Kasmi n’hésite pas au travers de son film, à mettre en lumière la souffrance parfois ressentie au sein d’une fratrie. Ici, c’est Mouss (Oussama Kheddam), le frère aîné de la fratrie qui, pourtant travailleur, fils dévoué, humble et discret, peine à trouver sa place et se faire respecter par ses frères et sœurs. Ce personnage particulièrement attachant et drôle met en lumière la question de la place occupée au sein de sa famille, et la difficulté à s’y affirmer.

UN FILM engagé et porteur de sens

Vous l’aurez compris, Baya Kasmi ne laisse pas la place au hasard et défend beaucoup de causes au sein de ses films : l’émancipation sexuelle, l’affirmation de soi, de son orientation sexuelle et de ses choix de vie. La sœur de Youssef, Loubna (Caroline Guiela Nguyen) vit officiellement, aux yeux de ses parents du moins, en colocation avec une amie et son fils. Loubna aime en réalité les femmes et vit en couple avec sa « colocatrice » avec qui elle a un enfant.

Omar Salem interprété par Abbes Zahmani et Fatima Salem interprété par Tassadit Mandi – Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi

S’agit-il de naïveté de la part des parents ? De déni ? Ou peut-être une sorte d’acceptation par le silence ? La réalisatrice laisse libre cours à notre interprétation, mais confie avoir été touchée par le nombre de personnes avouant elles aussi avoir longtemps vécu en « colocation ». C’est un bel hommage rendu par Baya Kasmi à toutes les personnes qui ont besoin, comme Loubna, de trouver le courage et la force de dire la vérité à leurs parents.

Quant au personnage de Youssef, il représente à merveille le cliché de l’écrivain en quête d’inspiration qui, finalement, prend pour muse sa propre famille. Surpris lui-même par la réaction médiatique de son succès, il voit la révélation au grand jour de son histoire comme une menace de perde la seule chose sur laquelle il a toujours comptée : sa famille.

Quand un écrivain naît dans une famille, la famille est foutue !

Citation de Philip Roth reprise par Augustin Trapenard, journaliste culturel et critique littéraire, Youssef Salem a du succès.

l’éloge du mensonge et des secrets

De façon assez touchante, Youssef Salem fait partie de ces enfants en quête incessante de reconnaissance parentale. Paradoxalement, il est également la personne qui, par ses révélations, pourrait potentiellement briser la réputation et l’intégrité de sa famille.

Et qui sait comment réagirait son entourage, surtout ses parents, s’ils comprenaient que le livre les concernait directement ? Youssef Salem se trouve piégé, exhibé, et doit faire un choix pour préserver son succès ou sa famille. Ainsi, si le film prétend faire l’apologie du mensonge et des secrets, il fait surtout l’éloge des sacrifices que nous sommes capables de commettre pour préserver sa famille.

Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi

Drôle d’idée pour la réalisatrice Baya Kasmi que de choisir comme parti-pris « l’éloge du mensonge », comme Youssef le répète à propos de son livre. Selon Baya, le mensonge serait parfois la seule solution pour assurer qu’une famille se maintienne. Garder certaines choses secrètes, c’est s’assurer de la paix sous son toit.

C’est un point de vue osé mais intéressant qui prend tout son sens dans l’une des ultimes scènes du film. Lorsque Fatima Salem (Tassadit Mandi), la mère de Youssef, voit la vérité sur ses enfants lui éclater, elle choisit l’indifférence. Non pas l’indifférence au sens d’un manque cruel de considération pour ses enfants, mais une indifférence qui signifie « Quoi qu’il se passe, je resterai ta mère et je t’aimerai comme tel ». Rien ne supprimera ou ébranlera l’amour qu’elle porte à ses enfants.

Affiche officielle du film Youssef Salem a du succès

Sur une note bien plus personnelle et subjective, j’ai trouvé que ce film rendait un bel hommage à l’acteur Ramzy Bedia. De façon tout à fait nouvelle et inattendue, l’acteur vous surprend à non pas vous faire rire, mais à vous émouvoir, vous toucher.

Ramzy, qui avait jusque là conquis le cœur des Français par son humour et sa simplicité, a ici réussi le pari de se dévoiler au travers de ce personnage singulier et touchant de Youssef. Sensible, au regard profond cachant un caractère espiègle, un peu moqueur, certes, mais surtout attentif et attachant ; c’est ce Ramzy que Baya Kasmi a su révéler par son œuvre. Et c’est une réussite.

Claire

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