Pour ceux qui nous suivent depuis le début, vous vous souviendrez de cette série (de seulement deux épisodes…) qui avait débuté en 2020. Nous avions commencé avec Le Roi Lion et Mulan, nous continuons avec Pocahontas, une légende indienne. C’est qu’il y en a des choses à dire sur ces personnages Disney qui ont conquis le cœur des petits et grands ! Le principe est simple : un résumé en toute légèreté et une analyse un poil plus sérieuse. Allez, c’est juste pour le plaisir.
Ça parle de quoi ?
Il se pourrait que certains et certaines d’entre vous n’aient jamais visionné le dessin animé Disney Pocahontas (il n’y a aucune honte à avoir), en voici donc un résumé. Pour les autres, c’est l’occas’ de se remémorer.
Pocahontas vit tranquillement avec sa tribu, sur un territoire lointain, qui sera finalement nommé « Amérique ». Elle est la fille du chef de tribu et est promise à Kocoum, mais préfère écouter son cœur. Pocahontas est la fille détestable d’Instagram, mais qu’on continue de suivre : elle est aimable, prête à aider ceux qui l’entourent, passionnée d’aventure, n’a jamais peur, et est surtout hyper écolo. On aimerait bien lui ressembler, mais elle parle avec un arbre et un raton-laveur, donc d’un coup, on hésite.
On apprend ensuite que ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique, mais plutôt Ratcliffe et le capitaine John Smith. D’ailleurs, quand les colons anglais arrivent sur les côtes, ce dernier préfère explorer le territoire et rencontre alors Pocahontas (on s’y attendait pas à celle-là). Là, il y a la fameuse chanson L’air du vent, où Pocahontas met une sacré raclé philosophique à ce John Smith. Et même s’il est un peu écolo sceptique, ils finissent quand même par s’aimer, car les opposés s’attirent.
En attendant, c’est la guerre entre les Britanniques et les Powhatans. Les deux amoureux tentent alors de calmer les choses. Étrangement, les événements suivants ont tous un super timing : Kocoum qui assistent à l’embrassade de John et Pocahontas ; la capture de John ; les colons qui arrivent au moment où il est sur le point d’être exécuté et Pocahontas qui se jette sur lui avant que le grand chef n’abatte sa masse. Au passage, elle fait la morale à tout le monde, John sauve le chef Powhatan du coup de feu tiré par Ratcliffe, et on assiste à une mutinerie. Quand les colons repartent, Pocahontas doit alors faire un choix, et du haut de sa falaise, elle préfère « si si la famille, ça veut dire toi-même tu sais ».
S’inspirer de faits réels
Même si l’histoire est basée sur des faits historiques, même si Pocahontas a bel et bien existé, la vérité reste assez éloignée du récit raconté par Disney. En effet, Pocahontas n’avait que onze ou douze ans, son véritable nom était Matoaka (qui signifie « fleur entre deux ruisseaux »). On lui attribua le surnom de Pocahontas (« petite espiègle » en powhatan). Elle aurait peut-être sauvé John Smith, mais ils n’ont pas eu de relation amoureuse. La véritable histoire est bien plus tragique.
Le peu d’archives et leur manque de qualité ne permettent pas d’obtenir la pleine véracité de l’histoire de Pocahontas et John Smith. La légende raconte alors que John Smith fut capturé par un groupe de chasseur et sauvé par Pocahontas, qui se jeta sur lui afin de demander son pardon. Plus tard, Pocahontas lui aurait sauvé la vie une deuxième fois. Son père aurait effectivement invité John Smith et quelques autres colons, mais projetait en fait de les tuer. Pocahontas serait alors partie les prévenir.
Ces épisodes furent toutefois mis en doute, car le récit de John Smith fut raconté 10 ans après l’événement, il se pourrait donc qu’il ait exagéré ou inventé l’histoire, afin d’accroître sa propre légende. De plus, les enfants n’étaient pas autorisés à assister aux rituels religieux, ils étaient plutôt bien surveillés. Ce qui remet en doute le fait que Pocahontas se soit jetée sur John Smith pour le sauver. Finalement, la distance entre Werowocomoco et Jamestown était de 19 kilomètres, il fallait ainsi traverser de longues étendues d’eau, notamment avec des pirogues. On doute donc que Pocahontas, alors âgée d’une dizaine d’années, ait fait la route afin de prévenir les colons invités par le chef de tribu.
La deuxième version de l’histoire serait que John Smith fut réellement apprécié du chef des Powhatans, qu’il lui aurait même offert le titre de « Weroance », c’est-à-dire chef colon reconnu. Il a bien entretenu une relation amicale avec Pocahontas, qui venait régulièrement jouer avec lui. Ils s’enseignaient mutuellement les bases de leur langue. Lorsque Pocahontas et John Smith se revirent à Londres, elle l’appelait ainsi « père ». Leur histoire d’amour n’apparaît alors que dans les récits et les légendes. À 15 ans, Pocahontas se maria bien avec Kocoum, et ont eu, ensemble, un fils.
La colonie anglaise commença ensuite à s’agrandir et les conflits commencèrent. Pocahontas fut notamment enlevée comme gage contre le retour des captifs et les propriétés tenues par les Powhatans. Elle fut retenue pendant une année, violée, baptisée, dépressive, mariée, et envoyée en Angleterre afin de « promouvoir les bienfaits de la colonisation ». Une bien triste différence avec le deuxième volet du film d’animation Disney.
Déculpabiliser la colonisation
Armés de mousquets, le regard envieux de richesses, les Anglais débarquent sur de nouvelles terres à la recherche d’or. Pocahontas, héroïne salvatrice, viendra alors leur donner la rédemption, car son mythe est construit comme un récit positif de la colonisation, pour une version politiquement trop correct du rêve américain.
Côté personnage, John Smith arrive en tant que conquérant. Pour cette époque, ses nombreux voyages et son statut lui octroient le pouvoir de dominer, il pourrait imposer ses idées. Pourtant, ses paroles sont dites avec le cœur, il porte un regard bienveillant envers le monde de Pocahontas, et derrière sa propre vérité se cache l’amour. Pocahontas, quant à elle, ne souhaite plus se soumettre aux aspects traditionalistes de son peuple. Elle préfère aimer au-delà de tout préjugé, et apparaît alors comme le modèle à suivre, celle qui a compris le droit chemin et qui a pu ouvrir son cœur. Leur envie commune d’aller l’un vers l’autre, et leur soif de connaissance d’un monde opposé au leur, relativisent la colonisation.
Même si la relation entre John Smith et Pocahontas est un appel à la tolérance, le personnage féminin fut vivement critiqué, lui reprochant son manque de charisme, de motivation, et son aspect sensuel, emprunté au mannequin Naomi Campbell. Le succès du film fut d’ailleurs lent et peu apprécié par les Premières Nations, qui voyaient en Pocahontas, une « bonne Indienne« , souhaitant vivre en harmonie avec les colons. On peut, au moins, féliciter Disney d’avoir rendu hommage à Pocahontas, telle qu’elle était, c’est-à-dire intrépide et courageuse. Elle reste ainsi une femme libre, auprès de son peuple.
Les personnages ne seraient-ils donc que des humains beaux et ignorants ? En utilisant les surnoms des véritables personnages historiques, Disney choisis de minimiser l’importance du peuple Powhatan, qui appelle d’ailleurs leur chef Wahunsonacock et non « chef Powhatan », surnom donné par les colons. Le personnage de Pocahontas porte également un surnom et ignore totalement ce que signifie l’arrivée des colons (elle confond de toute façon les voiles du bateau avec des nuages). Rappelons que nous sommes en 1607, soit 115 ans après la découverte du continent.
Côté scénario, les deux peuples ont la même volonté de guerre. Sur la chanson Des sauvages, les deux partis se renvoient les paroles et finissent par chanter à l’unisson. Ils se colorent le visage et sont aveuglés par les préjugés. Il est alors question d’égalité de pensée et non de suprématie des Européens, comme cela a réellement été le cas. Finalement, tout est bien qui finit bien, car, pour les colons, la véritable richesse n’est plus l’or, mais devient l’humain (ce qui, cette fois-ci, n’a pas été le cas).
Sans aucun doute, le film s’éloigne légèrement des faits historiques, et certains éléments montrent les Européens un peu moins agressifs qu’ils ne l’ont été. Peut-être vaut-il mieux également relativiser. Si Disney s’était tenu aux faits historiques, nous n’aurions certainement pas eu le plaisir de regarder un bon vieux dessin animé, tel qu’il a toujours été, c’est-à-dire, certes, caricatural et eurocentré, mais aussi romantique et enfantin. C’est une ode à la tolérance et à l’amour de la nature. Rappelons nous que le titre du film appelle directement à la légende, et donc à l’imaginaire.
Pourquoi nous n’utilisons pas les termes « indiens » et « amérindiens »
Sources et pour aller plus loin :
Radiodisneyclub / Franceculture / Hitek
Forbidden Animation de Karl F. Cohen
Cet article t'a plu ? Tu aimes Exprime ? Suis nos réseaux ou fais un don !