L’équipe a longtemps rêvé de la ré-ouverture des espaces d’exposition. Aujourd’hui, elle en a des vertiges et ne sait que choisir. Et puis… elle est tombée sur une pépite : Les courbes de Babylone, au Modulo Atelier à Esquelbecq, dans le Nord. En observant l’exposition, elle a également découvert l’espace, l’association Modulo et des artistes brillants. Elle souhaite maintenant vous emmener en promenade dans les Flandres, afin de mettre en lumière les missions que s’est données l’association, sans oublier l’expo du moment et son artiste coup de cœur.
L’association, Modulo Atelier
La spécialité de Modulo Atelier est l’art contemporain. Pour cela, l’association est active sur plusieurs fronts, en proposant un espace dédié à la création, avec des expositions, des spectacles, des concerts, des résidences de création et tant d’autres événements. Travailler en collectif est une des principales missions de la structure, qui n’hésite jamais à mettre en relation et à favoriser les échanges entre artistes.
Le cadre naturel et l’architecture nous charment plus particulièrement. La structure se situe dans les hauts de Flandres, lieu phare des bâtiments en briques rouges. L’équipe tient finalement à créer des ponts entre le patrimoine local et les expositions contemporaines en associant architecture et scénographie.
Nous sommes sensibles à l’œuvre des artistes qui explorent le processus de création dans sa totalité. Ces artistes, chercheurs et constructeurs ont acquis la capacité d’unir le concept et la matière, le geste et la pensée. Ainsi on peut opter pour l’hypothèse selon laquelle les créateurs nous donnent plus que les entrepreneurs.
moduloatelier.com
L’association Modulo Atelier croit en l’existence d’un lien sensible entre l’artiste et son œuvre (le cerf volant en est également persuadé). Lorsque l’œuvre disparaît, il est alors important de la retrouver, ou de la reconstruire, parfois d’une nouvelle manière. C’est pourquoi Modulo accompagne les artistes dans la recréation. Cette année, elle a permis à l’artiste Bernard Lesecq de re-présenter son œuvre Le dénicheur, endommagée lors d’un incendie.
L’artiste coup de cœur, Bernard Lesecq
Bernard Lesecq naît en 1951, commence, très jeune, à tailler le bois dans l’atelier de son père et fait ses études d’art aux Beaux-Arts de Douai. Il débute sous l’influence du Pop Art, puis de l’art conceptuel. Il expérimente quelques aventures folles, comme décorer la façade et l’intérieur d’une boite de nuit à Dourges, ou suspendre 25 bombes-tétines roses dans le hall de l’hôtel de ville de Douai. Il finit par libérer sa création en tant que professeur d’art plastique.
Côté inspiration, Bernard collectionne les images du monde, qu’elles soit surprenantes ou terrifiantes. Il apprécie particulièrement les fleurs et animaux à l’aspect paradisiaque et inventorie toute la beauté du monde : « L’art classique m’interpelle : la statuaire du moyen-âge, la peinture italienne du quattrocento. Gauguin, Manet, Bonnard et nombreux peintres et sculpteurs, en fait, je suis fou d’histoire de l’art de Lascaux jusqu’aux plus récentes créations contemporaines, et cela, depuis mon adolescence ».
Je base mon travail sur la séduction et l’harmonie ou au contraire, mais rarement, sur la laideur ou la possible incompréhension du spectateur, en tout cas, j’aime provoquer le questionnement, créer des pistes ou donner quelques clefs. Je conçois toujours mon travail en « poupée russe » : plusieurs sens se superposent ou s’entrecroisent. Mon travail est polysémique. En tout cas, moi-même, je ne cherche pas à tout comprendre. Je ne veux aucunement maîtriser le processus d’investigation du spectateur. Je considère qu’il faut laisser une part de mystère. L’insondable mystère. Un espace indéfinissable. C’est à l’intérieur de cet espace qu’avec un peu de calme et de temps le véhicule de la pensée créé son propre chemin.
Bernard Lesecq, pour Exprime
Pour Le Dénicheur, l’œuvre exposée au Modulo Atelier, les personnages ont été modelés grandeur nature. L’arbre est composé de modules emboîtables, avec notamment une structure en bois. Mais pour Bernard, les techniques varient autant que ses idées. Ses installations demandent du temps et beaucoup de réflexion, il dessine des croquis pendant plusieurs jours, voire plusieurs mois ; et l’idée finit par s’imposer d’elle-même.
Il est donc bien difficile de définir la beauté. Elle est indéfinissable. Je pense très personnellement que c’est à chacun d’entre nous de la ressentir, selon son expérience de vie, selon son expérience de l’art. Il faut, comme pour toutes choses, consacrer un peu de temps, un peu d’intérêt, ouvrir les portes de sa sensibilité et essayer de comprendre. Il faut aller vers la beauté, pas à pas, alors elle révélera à vos yeux toute la richesse de ses multiples paysages et la complexité kaléidoscopique de son univers à l’égal des constellations du cosmos.
Bernard Lesecq, pour Exprime
L’exposition, Les courbes de Babylone
Plutôt étrange comme nom d’expo… À première vue, on ne saurait trop à quoi s’attendre. Des formes géométriques ? Les vestiges d’une ville antique ? Pas tout à fait. La courbe de Babylone existe réellement, elle se situe sur la commune de Villeneuve d’Ascq, dans le nord. Cet échangeur autoroutier a surpris les automobilistes plus d’une fois en cinquante ans, avec son virage à 90°.
Comment donner du sens à une expo à partir de ça ? Carol Levy et Sophie Wirtz en ont imaginé la scénographie et ont contacté des artistes de multiples univers, afin de répondre à l’absurdité de cette courbe. L’exposition est à la fois un écho aux moments inédits que nous traversons, tout comme une proposition du monde d’après la courbe : « Peut-être peut-on la considérer [la courbe] comme un symbole des aberrations inévitablement engendrées par des systèmes complexes qui par ailleurs nous séduisent par leur ingéniosité… une ville nouvelle, une métropole en expansion, la vitesse et le crash dans un virage trop serré. Babylone, symbole de l’orgueil et des puissants s’est effondré il y a bien longtemps. Qu’y a-t-il après la courbe ? ».
Sur place, œuvres apocalyptiques et hypothèses d’un renouveau font face à des sculptures post-industrielles insolites. L’homme et la femme deviennent les étrangers d’un monde où la nature reprend ses droits, où les rayons du soleil transpercent les toiles, et où une ruine devient un décor renfermant les plus beaux trésors.
Toucher les publics jeunes
En dehors des échanges entre artistes, l’association Modulo Atelier favorise également les échanges avec son public, et plus particulièrement avec les groupes scolaires. Elle fait donc preuve d’inventivité en créant des outils pédagogiques, en animant des activités et en sensibilisant les jeunes à la découverte de l’art contemporain. Dans chaque cas, que ce soit à destination des maternelles ou des lycéens, les activités sont imaginées afin que l’élève ait « une place active dans sa découverte de l’art ».
Visites interactives et ateliers sont donc au programme. L’association a notamment créé des ateliers nomades, en lien avec les expositions du moment et en associant une proposition thématique à des techniques de création. Et même si quelques directives techniques sont données aux élèves, l’intérêt est plutôt de leur donner de l’autonomie, afin qu’ils.elles puissent élaborer leur propre création singulière : « des valeurs positives comme l’indépendance d’esprit et la responsabilité écologique sont transmises dans le déroulement des ateliers ».
Pas évident comme démarche, mais ce qui est plus facile, c’est d’essayer de reconnaître des particularités de notre patrimoine, de notre paysage et parler du présent et du passé pour évoquer tout ce qui a changé et tout ce qui a perduré. Dès le départ, notre idée était de rendre les enfants curieux, de les faire s’interroger sur les briques de sables, les dessins mystérieux, les chapelles des bords de route, les rouges flamandes, le tir à l’arc…
moduloatelier.com
En 2019, les animateurs de Modulo Atelier ont, par exemple, créé les « Ateliers patrimoine », en proposant des découvertes sur le patrimoine Flamand. Ils.elles sont intervenu.es dans sept écoles du territoire des hauts de Flandres, avec, comme fil conducteur, les questions de territoire et d’identité. L’association possède l’agrément de l’éducation nationale et souhaite avant tout favoriser l’accès à la pratique artistique, pour le plus grand plaisir des enfants, comme des ados.
Modulo Atelier laisse place aux artistes et à leur création, leur permettant finalement d’imaginer tout type d’événement et d’œuvre. Ainsi, nous voyons arriver, dans le monde de l’art, de nouvelles propositions, alimentant toujours plus notre curiosité. L’association soutient également les artistes dans leur processus de création et de rénovation, permettant, cette fois-ci de mettre en lumière des œuvres déjà existantes.
L’exposition Les courbes de Babylone est à voir dans l’espace Modulo Atelier, jusqu’au 03 octobre 2021, entrée libre les dimanches, de 14h à 18h, sauf en Août, et sur rendez-vous.
Plus d’info :
Photo de couverture : tropical tendencies de alfonse, paul et les autres
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