Charlotte Cardin, un album envoutant

Le 23 avril 2021, après deux EP, des passages en radio, des tournées, et trois années de travail, Charlotte Cardin nous livre son premier album, Phoenix. On y retrouve une jolie pop sensuelle, aux textes engagés. L’artiste déploie ses ailes et construit un album thérapeutique, lui offrant la liberté de s’exprimer pleinement sur des sujets actuels. Sa voix est  impressionnante et ses compositions, puissantes. Le cerf volant vous assure donc un réel plaisir de lecture et d’écoute.

Grandir en toute liberté

L’autrice, compositrice, interprète montréalaise Charlotte Cardin grandi dans un univers musical, commence très jeune à faire de la musique et à prendre des cours de chant. Aujourd’hui, l’artiste souhaite s’affranchir du regard des autres ; une exposition qu’elle a notamment vécue lors de ses débuts comme mannequin, puis lors de son passage TV dans l’émission La Voix (version québécoise de The Voice). Ses expériences lui auraient toutefois ouvert des portes. En finissant top 3 de l’émission, elle est amenée à participer à l’album de Garou, Au milieu de ma vie (2013), pour le duo Du vent, des mots.

Charlotte Cardin souhaite donc construire un parcours authentique, se libérant de ce que les autres attendent d’elle :    « Ça faisait déjà quelques mois que je travaillais toute seule, chez moi, et je trouvais que ça ne menait à rien. C’était difficile. Je ne me trouvais pas pertinente. J’ai fini par comprendre que je n’approchais pas ça de la bonne façon. J’essayais de prédire ce qu’on attendait de moi ».

© Gaëlle Leroyer / Warner Music

L’artiste continu son bout de chemin, s’inspirant de multiples univers, tels que celui du groupe Radiohead, ou de chanteurs.euses comme Aretha Franklin, Frank Ocean, Amy Winehouse ou encore Bill Withers. Elle définit elle-même sa musique comme une « pop sombre, influencée par toutes les musiques [qu’elle] écoute : le jazz, le rock, le hip-hop, la trap ». L’artiste fait facilement le pont avec d’autres disciplines. En matière d’art cinématographique, par exemple, elle s’inspire des films de Jean-Luc Godard, David Lynch ou encore Pedro Almodovar, notamment pour son clip Passive Agressive et son utilisation des couleurs. Côté art chorégraphique, c’est Mick Jagger et David Bowie, qui lui insufflent les « symboles de liberté, de l’avant-garde, des mille nuances entre féminin et masculin ».

Toucher à l’international

Avant son premier album, Charlotte Cardin était déjà une star, présente dans les plus grands festivals québécois avec des titres très écoutés. Main Girl en est le meilleur exemple, lui permettant d’être connue à l’international, surtout lorsque Elton John a publiquement déclaré adorer la chanson et l’avoir mise dans sa playlist « coup de cœur » sur Spotify.

Main Girl – Charlotte Cardin

La chanteuse n’en est donc pas à ses débuts, car ses deux premiers EP ont déjà trouvé leur public : Big Boy, sorti en 2016 et Main Girl, en 2017. En 2019, elle fait un duo avec Loud, pour le morceau Sometimes, All the Time. La même année, elle ouvre le 40e Festival international de Jazz de Montréal.

Charlotte Cardin a de l’ambition et souhaite aller à la rencontre d’un nouveau marché, mais sans jamais perdre en authenticité : « Je ne voulais pas faire quelque chose qui ne me ressemble pas pour faciliter l’accès à ce nouveau marché. C’est un album très proche de moi, hyperpersonnel. C’est vrai que j’ai de grandes ambitions, j’ai le goût de jouer partout, mais je présente aujourd’hui quelque chose dont je suis vraiment fière et à partir de là, les seules attentes que j’ai pour cet album, c’est de toucher les gens et faire en sorte qu’eux aussi se sentent libres. »

Construire un premier album …

Pour son premier album, sorti fin avril 2021, toutes les chansons, à l’exception d’une, ont été coécrites avec Jason Brando, producteur et agent de la chanteuse. Un album nommé Phoenix, en lien avec le symbole de croissance, de renaissance et d’évolution, qui rafle le premier rang du palmarès Billboard des albums les plus populaires au Canada ; une première pour une artiste féminine canadienne, depuis Céline Dion et son album Courage, en 2019.

Daddy – Charlotte Cardin – ©Gaëlle Leroyer

À l’intérieur de l’album, on trouve des chansons contant les émotions de l’artiste, avec une intensité remarquable. Charlotte Cardin explore les thèmes de la passion, de l’amour toxique, du harcèlement et du sexisme.

Certains comportements ont été banalisés parce que ça concernait une industrie particulière, médiatique, et c’est très important d’en parler aujourd’hui.

Charlotte Cardin

Pour sa voix puissante et renversante, l’artiste sait y faire, en ajoutant la bonne touche de gravité, sans oublier les grooves pop soul modernes. Un formidable travail a été accompli sur les arrangements pour, justement, la mettre en valeur. Une voix qu’elle utilise comme instrument, sans pour autant reléguer au second plan son piano ou sa guitare. Charlotte Cardin valorise les femmes musiciennes, souvent mal représentées dans l’industrie musicale : « si, petite, j’avais vu plus de musiciennes, j’aurais peut-être fait de la basse et non du piano, l’instrument conseillé aux filles ».

Sur sa pochette d’album, son univers graphique tourne autour d’un monochrome rouge-orangé, un fidèle rappel au Phoenix. 13 titres composent cet album, pour 45 minutes d’écoute, dont un unique titre en français. En temps de Covid-19, toutefois, le processus de création ne fut pas facile. La chanteuse a déclaré qu’après trois années d’écriture et d’enregistrements, l’album a dû faire face aux complications de la crise sanitaire, comme le report de sa date de sortie.

… avec une empreinte musicale et vocale

Le premier extrait, Passive Agressive, a été dévoilé en septembre dernier, nous offrant de belles promesses pour la suite de l’album. Le titre explore un mélange pop et groove house lent, idéal pour les brunchs du dimanche. Le morceau Sex to Me sonne comme des airs latinos, la rythmique est perçante, presque provoquante, tel un son ensorcelant les serpents.

Son unique morceau en français, Je quitte, reprend les rythmes langoureux de la musique soul, quelques sonorités électro et une ambiance lounge, en accord parfait avec le parlé des refrains. On retrouve finalement la guitare acoustique sur Sun Goes Down, une tendre ballade aux résonnances angéliques, avec un chœur sur le refrain, et un texte presque soufflé. À écouter au coucher du soleil, évidemment.

La ballade Anyone Who Loves You a atteint le public en plein dans le cœur, avec un simple piano/voix qui sublime le texte. Le rythme est haché , offrant douceur et minimalisme ; la musique, un instrument, pour plus d’engagement et de caresses. Le texte évoque la dévotion amoureuse… avec ses limites.

C’est finalement un appel à l’indépendance, une ode à la libération :

« We’re not your fancy dolls / You better set us free, or else we’ll fuck you up […] I rest my case / Domesticated bitches in Adidas / And I hired guns, I hired some / To fake it ‘til I make it, baby [Nous ne sommes pas vos poupées de luxe / Vous feriez mieux de nous libérer, ou alors nous allons vous bousiller […] Je dépose mon dossier / Connasses domestiquées en Adidas / Et j’ai loué des armes, j’en ai loué / Pour simuler jusqu’à ce que j’y arrive, chéri] ».

Meaningless – Charlotte Cardin – ©Norman Wong

Les titres du premier album de Charlotte Cardin resteront donc un long moment dans nos playlists. À travers Phoenix, sorti fin avril 2021, l’artiste nous a livré une musique captivante, inspirante et mobilisante. Certes, elle avait déjà fait ses preuves, mais sa prise de liberté, d’audace et de charme place sa musique profondément dans nos quotidiens.

Les liens de Charlottes Cardin :

Sources des interviews :
Ledevoir       Francetvinfo
Source photo couverture : ©Gaëlle Leroyer


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