Sur les quatre enfants de Louis XVI et de Marie-Antoinette, seuls deux survivront assez longtemps pour assister à la Révolution de 1789. Leur fille ainée, Marie-Thérèse, et le nouveau dauphin, Louis-Charles, ont vu leur existence bouleversée par le renversement de la monarchie et l’avènement de la Première République. Pendant les années qui suivirent la prise de la Bastille, ils accompagnèrent leurs parents dans toutes leurs mésaventures, de la fuite à Varennes à la prison du Temple.
Incarcérés pendant des années, les enfants royaux durent s’adapter. L’un mourra en captivité, tandis que l’autre traversera tous les âges de la Révolution, de l’Empire et de la Restauration.
Le roi est mort, vive le roi !
A la fin de l’année 1792, la famille royale est transférée à la Tour du Temple. Le « citoyen Capet », ancien Louis XVI, est séparé des siens en attendant son procès. Il ne peut revoir sa famille que le 20 janvier 1793, veille de son exécution, afin de leur faire ses adieux. Dès que le couperet tombe, le dauphin, alors âgé de 7 ans, devient automatiquement roi, aux yeux des royalistes et des monarchies voisines, sous le nom de Louis XVII.
Pour la nouvelle République, cependant, il n’est que « l’enfant Capet ». Pour être certain qu’il ne se prenne pas pour un roi, le petit Louis est retiré de la garde de sa mère, en juillet 1793, et intègre les appartements de feu son père afin d’y être éduqué. Ses « précepteurs » sont les citoyens Antoine Simon, cordonnier illettré, et sa femme. Le but est de faire du petit roi un bon républicain tout entier dévoué à ses tortionnaires et aux idéaux de la Révolution.
En janvier 1794, Simon et son épouse (qui s’occupaient tout de même correctement de l’enfant) sont contraints de quitter la Tour du Temple. A partir de cet instant, la santé de Louis se dégrade. Livré à lui-même, gardé au secret, il dépérit et contracte la tuberculose. En juillet, ses conditions d’emprisonnement s’améliorent grâce à la désignation d’un nouveau gardien. Malheureusement, la maladie continue de progresser. A la veille de la Révolution, elle avait déjà emporté son frère ainé, le dauphin Louis-Joseph. Le 8 juin 1795, le petit Louis XVII y succombe à son tour après plusieurs mois de souffrance. Bien plus que la tuberculose en elle-même, la négligence et la maltraitance, dont le petit roi a fait l’objet, ont précipité sa mort précoce.
Bien qu’officiellement décédé durant sa captivité, l’éventualité de la survie de Louis XVII a pendant longtemps fait l’objet de rumeurs. Comme pour le roi d’Angleterre Edouard V et son frère Richard, ou encore les enfants du Tsar Nicolas II de Russie, des légendes de survivant et d’échange d’enfants ont longtemps subsisté. Comme si, dans l’imaginaire collectif, la mort d’un enfant royal était inconcevable.
L’énigme autour de sa mort voit son dénouement en 2004. Une étude ADN permet alors d’attester un lien de parenté entre Marie-Antoinette et le coeur de Louis XVII, qui repose à Saint-Denis. L’histoire aurait pu se conclure là, mais, malgré les preuves scientifiques, les théories survivalistes continuent de courir.
Quant la légende dépasse la réalité, on imprime la légende
John Ford, « L’Homme qui tua Liberty Valance«
Marie-Thérèse, la survivante du Temple
Après l’enlèvement de son frère, Marie-Thérèse, l’aînée des enfants Capet, reste seule avec sa mère et sa tante au 3ème étage de la Tour du Temple. Consciente que cet emprisonnement risque de durer, Madame Elisabeth, la sœur du roi, enseigne à l’adolescente de 14 ans les gestes qui assureront sa survie, aussi bien physique que psychologique : se lever chaque jour à la même heure, s’habiller seule, se laver, nettoyer la chambre, prier, marcher une heure à travers la pièce pour maintenir le corps en forme (Madame Elisabeth était déjà une pro du confinement en 1793).
Au procès de sa mère, Marie-Thérèse revoit brièvement son frère et s’oppose courageusement à l’accusation d’inceste. Son témoignage ne suffit pas à sauver Marie-Antoinette qui sera guillotinée en octobre 1793.
Puis, vint le tour de sa chère tante Elisabeth de rejoindre l’échafaud, le 10 mai 1794. A partir de cette date, Marie-Thérèse est seule. Tout comme son frère, elle va vivre enfermée et totalement coupée du monde. Elle s’enfonce dans le mutisme et la prière, au point d’en perdre l’usage de la parole. Chaque jour, elle accomplit les gestes que lui a appris sa tante, sans se douter que celle-ci, ainsi que sa mère, ont été exécutées. Il faudra attendre la chute de Robespierre, en juillet 1794, et l’avènement de la Convention, pour que ses conditions d’incarcération s’améliorent un peu. Malgré cela, elle restera encore prisonnière du temple pendant un an.
Ce n’est qu’en juin 1795, après presque 3 ans de captivité, que le sort de Madame Royale revient au centre des préoccupations politiques et mondaines.
De l’ombre à la lumière
La fin de la Terreur et la mort du petit Louis XVII conduisent le peuple à s’interroger sur le sort de Marie-Thérèse. Seule survivante de la famille royale, tout Paris se passionne pour le destin de « l’Orpheline du Temple » ! Ce soudain engouement inquiète un peu les représentants de la toute jeune Convention Thermidorienne. Même si elle reste dissimulée aux regards, la survivance de la fille de Louis XVI échauffe les sympathisants royalistes et peut être dangereuse pour le nouveau régime.
Que faire ? Il est difficile de la garder enfermée, ou de la faire disparaître, étant donné qu’elle est au cœur de toutes les conversations. Et puis, nous ne sommes plus sous la Terreur. En théorie, on ne peut plus couper la tête des gens sans raison. Pourquoi alors ne pas l’échanger ? Depuis le début de la Révolution, plusieurs monarchies demandent la restitution de la famille royale. Cette tactique permettrait de calmer les pays ennemis, d’exiler la dernière représentante des Bourbon et de récupérer de bons patriotes. Par-fait !
Le 19 décembre 1795, jour de ses 17 ans, Marie-Thérèse quitte définitivement la prison du temple pour rejoindre la Cour de son cousin, François II, l’Empereur d’Autriche. Malgré son traumatisme, Marie-Thérèse se considère encore profondément française. Elle supporte donc mal cet exil et parvient difficilement à s’acclimater à une Cour étrangère. De plus, sa popularité la précède. Comme en France, elle est un objet de curiosité et de commérage. Les immigrés français, réfugiés à la Cour d’Autriche, la regardent comme une bête curieuse. Alors que la Révolution a anéanti la royauté et a contraint l’aristocratie française à fuir, cette adolescente, elle, a survécu. Comment est-ce possible ?
Ne sachant que faire de cette cousine orpheline, François II cherche à la marier à son frère, l’archiduc Charles-Louis. Cependant, les années d’isolement et de mauvais traitements n’ont pas eu d’effet sur le caractère bien trempé de Marie-Thérèse. C’est elle qui décidera de l’identité de son futur époux ! Ou plutôt, c’est sa mère. En effet, la Reine avait déjà prévu de marier sa fille à son neveu, Louis-Antoine, duc d’Angoulême et fils du comte d’Artois , le frère de Louis XVI. Il faut y voir un signe d’affection de la part de Marie-Antoinette qui, contrairement à sa propre mère, souhaitait marier sa fille à un prince français afin de ne pas la contraindre à quitter son pays (gros échec).
Fidèle au souvenir de sa mère, Marie-Thérèse entretiendra donc une correspondance avec son cousin dès son arrivée à la Cour d’Autriche. En juin 1799, elle obtient enfin l’autorisation de quitter Vienne pour la Lettonie, où l’attend son promis, ainsi qu’une partie de la famille Bourbon.
Pour l’oncle des époux, le comte de Provence, ce mariage tombe à pic ! En effet, depuis plusieurs années, le frère cadet de Louis XVI attend patiemment l’heure de la reconquête du trône de France. Bien qu’elle soit en exil, la nouvelle duchesse d’Angoulême n’a rien perdu de sa popularité. L’avoir à ses côtés est pour son oncle une réaffirmation de sa légitimité à succéder à son frère.
Dans le prochain épisode :
Réunie avec son cousin (maintenant époux) et son oncle, Marie-Thérèse s’apprête à vivre plusieurs années d’exils. Ballottée d’une Cour européenne à une autre, la famille Bourbon ne désespère pas de retourner un jour en France. L’opportunité leur sera offerte lors de la chute de l’Empire Napoléonien. Marie-Thérèse sera alors amenée à jouer un rôle crucial dans la restauration de la monarchie Française.
Marie-Thérèse et sa famille arriveront-ils à se maintenir sur le trône de France ? Comment seront-ils accueillis par les Français ? Quel sera l’impact de la duchesse en politique ? Aura-t-elle des enfants et comment la consanguinité les affectera ? Pour en savoir plus sur les aventures de Madame Royale, il vous faudra revenir la semaine prochaine !
Pour aller plus loin :
- Curieuses histoires : Louis XVII, calvaire d’un dauphin de France
- La famille royale au Temple
- La vie de Marie-Thérèse au Temple.
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