L’exposition Notre monde brûle au Palais de Tokyo

Nous aimons les expositions purement esthétiques à n’en point douter, mais nous aimons aussi les expositions esthétiques ET sensibilisatrices. Que serait l’art sans intention ? Du message dans l’exposition Notre monde brûle, visible jusqu’au 13 septembre au Palais de Tokyo (Paris), il y en a. Nous varions donc les plaisirs, après Lewis Trondheim et Marcel Gromaire, place au regard sur notre monde.

Un regard sur notre environnement

Dès le début de l’exposition, l’ambiance s’impose et la réflexion prend forme. L’art anthropocène s’ouvre à nous, ainsi que le questionnement de l’usage des ressources naturelles. Ici, notre regard sur le monde change, nous ne pensons plus à l’unique utilité de l’environnement, mais aussi à sa connexion avec nous.

Le titre de l’exposition lui-même, sonne de manière actuelle, presque alarmiste, faisant référence aux destructions de forêts et au réchauffement climatique. Raqs Media Collective évoque, par exemple, dans l’exposition, l’adaptation à notre environnement à travers un papillon qui s’est acclimaté au développement industriel de la ville de Manchester au XIXe siècle en changeant la couleur de ses ailes.

Un regard sur notre société

Notre monde brûle s’ouvre sur trois grandes œuvres, les fragments de la reproduction de la Statue de la Liberté par Danh Vo nous questionnent sur l’idéal démocratique.

Danh Vo le cerf volant
Nous le peuple, par Danh Vo

Puis, une pièce en béton sur laquelle nous pouvons lire le mot « droit » en langue arabe, de Mustapha Akrim, qui illustre ici les fondations sur lesquelles les Etats devraient se poser ; et finalement, un vitrail, de Sara Ouhaddou, avec des poèmes de femmes berbères, expressions d’une culture minoritaire préservée.

« De la destruction des trésors irakiens (Michael Rakowitz) au sort des réfugiés syriens (Monira Al Solh) en passant par le financement des Talibans à travers l’exploitation du lapis lazuli en Afghanistan (Asli Cavusoglu), Notre monde brûle présente un maillage complexe événements »

Plusieurs narrations font suite à cette première ambiance. Elles portent volontairement différents regards afin de montrer une société pluraliste, et moins hiérarchique.

La représentation du feu

Les catastrophes écologiques sont un des fils conducteurs de l’exposition et principalement incarnées par le feu dans sa vision globale : feux de forêts en Amazonie, en Sibérie ou en Californie. Le feu, d’un côté danger, de l’autre, élan démocratique.

Wael Shawky le cerf volant
Wael Shawky, Al Araba Al Madfuna III, 2016.
Installation vidéo

Certains artistes y voient effectivement les soulèvements populaires du monde arabe, d’autres expriment le désir de justice sociale. D’autres encore, se placent dans une visée post-coloniale pour illustrer la démultiplication des récits historiques. Les narrations sont multiples et complexes, mais démontrent bien que la société est plurielle.

Un monde global et pluriel

L’exposition a été pensée par Abdellah Karroum, fondateur de l’Appartement 22 à Rabat en 2002 et actuellement directeur du Musée Arabe d’Art moderne et contemporain (MATHAF) à Doha. Dans son travail, il adopte une vision polyphonique et globale afin de développer une vision du monde comme un ensemble composé de diversités.

Francis Alÿs, artiste de l’exposition, utilise la géopolitique et représente les territoires non pas comme des espaces fermés par des frontières, mais plutôt comme des concepts dialectiques.

Francis Alÿs le cerf volant
Francis Alÿs, Sans titre (Migrant / Tourist)

Cette pluralité remet également en cause les discours occidentaux et leur auto-centrisme, notamment ceux en lien avec le patriarcat. Dominique Hurth, par exemple, nous plonge dans l’histoire du féminisme avec son installation qui prend source dans la maison autonettoyante de l’américaine Frances Gabe.

Des créations contemporaines

Notre monde brûle permet donc de découvrir des œuvres non seulement esthétiques, mais aussi engagées. L’ensemble regroupe des visions très poétiques du monde d’aujourd’hui, reflétant parfaitement le « désordre du monde » et utilisant des techniques avec un réel sens.

Mustapha Akrim et ses Histoires plus que parfaites utilise un processus qui révèle des photographies enfouies sous l’enduit pour évoquer les révoltes estudiantines marocaines de 1968 et 1981. L’histoire enseveli certains événements, qui finissent par remonter à la surface par fragments.

Comme symbole de ce monde qui brûle, nous retrouvons donc du béton, mais aussi du plastique, du cuivre, des câbles, des lampes au xénon. Des matières organiques, pour prendre conscience de l’impact des activités humaines sur les écosystèmes terrestres.

notre monde brule le cerf volant
Affiche exposition Notre monde brûle, Palais de Tokyo, Paris

Que vous soyez sensible ou non à la thématique, vous ne pourrez pas, de toute façon, résister à la beauté des œuvres, à la prouesse technique ou à cette envie, malgré tout, de nous réunir. Nous avons tous une raison d’aller voir Notre monde brûle, au Palais de Tokyo jusqu’au 13 septembre 2020.


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