Portrait : camille nef, infirmière en pédiatrie, entre rêve et contraintes

Camille Nef, infirmière en pédiatrie de 22 ans, se confie sur un métier à la fois beau et dur, pour lequel il faut faire preuve de résilience. Son témoignage est aussi l’occasion de se pencher un peu plus sur les réalités du métier, entre la fierté d’accompagner les autres, de trouver du sens et les contraintes humaines.

DeSTINÉE À AIDER

Si son niveau de langue le lui permettait, Camille Nef serait sûrement hôtesse de l’air. Pourquoi pas maîtresse, coiffeuse ou employée en centre équestre ? Tous sont des métiers auxquels elle a songé. Et tous traduisent sa volonté prématurée de s’occuper des autres.

Il y a dix-sept ans, c’était la naissance de son petit frère, Paul. Un de ses plus beaux souvenirs dit-elle. Elle chante et danse en tournant autour du berceau. Très vite, elle ressent un sentiment de fierté et la volonté d’aider sa maman à changer les couches, à l’habiller et à le nourrir. Des qualités déclarées tôt, utiles à l’exercice du métier d’infirmière.

Camille Nef

les qualités requises au métier

Apprêtée, maquillée, les cheveux tirés, la grande sœur raconte son parcours, à l’étage d’un café-boutique rempli de livres et de jeux de société fantastiques. Camille Nef est infirmière en pédiatrie depuis mars 2025. Elle navigue d’un service à l’autre : pneumologie, cardiologie et désormais, neurologie. Elle occupe un poste de remplaçante au sein du service pédiatrie du CHU de Lille.

« C’est vraiment le métier qu’il lui fallait. » nous confie sa meilleure amie d’enfance. Elle évoque l’humanité de Camille, sa grande capacité à s’adapter aux autres, quitte à s’en oublier. « Je pense que les hôpitaux peuvent être très fiers de l’avoir chez eux », nous dit-elle.

Dans sa pratique, Camille allie gestes techniques et qualités relationnelles, conformément aux exigences du code de la santé publique. Elle adapte son approche selon le vécu du patient, établissant un contact sécurisant, par exemple avec des enfants victimes d’agressions. Cette capacité à allier savoir-faire et compréhension est au cœur du métier, et permet de transformer les gestes professionnels en accompagnement humain.

Premières difficultés

« Je me suis déjà retrouvée à manger par terre dans mon vestiaire. »

Camille Nef

D’après sa « sœur » de cœur, elle a une force de caractère qui lui permet de surmonter les épreuves du métier. Malgré de belles expériences, la jeune infirmière évoque des périodes de stage difficiles. Certains services ont pour règlement la séparation du corps professionnel et des étudiants lors des pauses déjeuner. « Ça n’a pas toujours été facile », notamment durant les études, nous confie-t-elle.

C’est un phénomène plus large. Plus de trois quarts des étudiants ont envisagé d’abandonner leur formation en 2024, souvent à cause des stages, des relations avec le personnel encadrant, de l’épuisement ou de la charge de travail.

En effet, la formation débute à 18 ans et les élèves sont rapidement confronté aux difficultés du terrain. De nombreux stages sont effectués et donnent à voir un aspect nouveau du métier. Comme pour beaucoup de cursus, les attentes ne correspondent pas toujours à la réalité. Par ailleurs, le personnel hospitalier est exposé à des contraintes et des risques psychosociaux plus élevés que dans d’autres secteurs d’activités. Additionné au manque de personnel, cela peut impacter les conditions d’accueil en stage et l’incapacité à former les étudiants correctement.

contraintes et manque de reconnaissance

Camille Nef estime qu’on attend beaucoup des soignants, sans réelle reconnaissance. Pourtant, le métier est prenant. Elle alterne les services de jour et de nuit. Son corps ne suit plus. D’abord, incapable de se coucher avant 5 h du matin, puis impossible de se réveiller après 4 h. Les somnifères ne suffisent plus. Ces difficultés ne sont pas isolées : plus de la moitié des infirmiers présentent des signes d’épuisement professionnel, et 72% décrivent un état d’esprit marqué par la lassitude.

Image d’illustration

C’est avec le sourire que la jeune nordiste évoque le stress et les lourdes responsabilités imposées par son métier. Les arrêts se multiplient et la charge de travail aussi. Parfois, elle doit effectuer le travail de deux. Un sentiment de frustration s’installe alors, par manque de temps avec les patients, notamment avec les enfants auxquels il faut s’adapter en permanence. Plus de 60% des infirmiers estiment devoir constamment se dépêcher, et 78% disent être interrompus dans leurs tâches. La dimension humaine de cette profession, est alors entachée dans de telles conditions.

C’est un métier dans lequel la mort est présente. Jusqu’ici la jeune soignante n’y a pas encore été directement confrontée, mais elle redoute ce jour. Certaines collègues assistent parfois aux enterrements d’enfants qu’elles ont suivis pendant des années. Pour se protéger de cette réalité difficile, Camille allume parfois un cierge pour leur dire au revoir en silence.

une passion malgré les obstacles

Malgré ces départs douloureux, Camille Nef insiste, « c’est un lieu plein de vie ». Elle s’épanouit dans son métier, mais veille à ne pas se perdre. Elle évoque un besoin de « s’évader loin du Nord ». Née à Lesquin, aujourd’hui à Wattignies, elle n’a jamais quitté la région. Ce qui s’entend vite à son accent. Elle aime sa vie ici, mais part dès qu’elle peut : un peu de soleil, la mer, ses proches. Son cercle est restreint : « mes amis, je peux les compter sur les doigts de la main » et la famille, non loin. C’est donc à travers les voyages, les sorties entre amis et les moments en famille qu’elle retrouve des forces avant de retourner au travail.

Patrick Chamboredon, président de l’Ordre National des Infirmiers, décrit cette ambivalence entre l’attrait du métier et les difficultés associées : « Il n’y a pas de crise de vocation dans le secteur infirmier ». C’est une des formations les plus demandées sur Parcoursup.

« En revanche, il existe de nouvelles aspirations de la part des professionnels que le système hospitalier ne comble pas. Le manque de reconnaissance, d’autonomie ou de perspectives de carrières sont les principaux facteurs d’explications. ».

Patrick Chamboredon, président de l’Ordre National des Infirmiers pour le rapport de la DREES

Le parcours de Camille illustre à la fois la motivation personnelle, l’engagement humain de la profession et les contraintes structurelles auxquelles de nombreux infirmiers font face.


Cet article t'a plu ? Tu aimes Exprime ? Soutiens-nous en faisant un don !