Depuis le début de la Ve République, le paysage politique est divisé en deux : la droite et la gauche. Depuis quelques mois, cette dynamique a changé, il n’y a plus deux forces qui s’affrontent mais trois. Cette tripartition du paysage politique bouscule la Ve et amène un flou politique.
Mutation du paysage politique
En 2017, Emmanuel Macron, se présente aux élections présidentielles. Il vient de claquer la porte du Parti Socialiste et a créé son nouveau parti : la République en Marche. Contre toute attente, il remporte les élections haut la main et dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
De l’autre coté, les deux partis phares de la Ve, le PS et les LR s’affaiblissent. En 2022, Emmanuel Macron est réélu Président, mais il n’a plus sa grande majorité. Ses opposants sont plus nombreux. Le constat est clair : les vieux partis s’écroulent, la Macronie s’essouffle et deux partis sont en pleine croissance, le RN et LFI.
Les crises s’enchainent, la popularité d’E. Macron prend un coup et les oppositions se font plus féroces, voire collaborent. Lors de la réforme des retraites, une motion de censure (texte qui permet de censurer le gouvernement, qui est obligé de démissionner) est à deux doigts d’être adoptée. Le gouvernement peine à faire son travail.
En juin 2024, E. Macron décide de redonner la parole aux français en dissolvant l’Assemblée. Le Nouveau Front populaire (alliance des gauches) arrive en tête des élections, suivi de près par la Macronie et le RN. C’est une grande victoire pour la gauche mais ils n’ont que très peu de sièges et il va falloir négocier avec les macronistes pour ne pas être censurés. De leur coté, Renaissance se lance dans des négociations avec les LR pour gouverner. Ils finissent par s’entendre et créer un gouvernement.

Michel Barnier, ancienne grande figure de LR, devient alors Premier ministre. Son objectif : réussir à ne pas se faire censurer. Sa stratégie : négocier avec le RN. Il échoue et se fait censurer en décembre 2024, environ 6 mois après les élections.
E. Macron décide alors de mettre François Bayrou à la tête du nouveau gouvernement. Sa stratégie : négocier avec le PS. Cependant, elle n’aboutit pas. De plus, Bayrou croule sous les affaires accablantes comme l’affaire Bétharram. Il est devenu, en quelques mois, très impopulaire.
Aujourd’hui, Bayrou est encore notre Premier Ministre, mais pour combien de temps ? Même lui semble s’être fait à l’idée qu’il devra rendre son poste très prochainement.
Blocage et instabilités
La tripartition provoque un phénomène nouveau dans la Ve. Aucun des trois blocs n’arrivent à avoir une majorité absolue, voire une majorité capable de gouverner. Ensemble, les deux blocs qui s’opposent à celui qui gouverne peuvent le faire tomber. Cependant, aucun n’arrive à trouver un accord avec les autres. Et maintenant que les trois blocs sont presque équivalents, il devient difficile d’avoir des réformes et lois fortes qui font avancer le pays, ce qui finit par le bloquer.
Maintenant, penchons-nous sur le futur. Bien que ce soient des suppositions, si Bayrou tombe, qu’adviendra-t-il ? Avec cette configuration de l’Assemblée nationale, les trois blocs sont interdépendants des autres. À eux seul, ils ne peuvent rien faire, ni gouverner, ni censurer. C’est le RN, pour le moment, qui est le plus ouvert aux discussions. Mais soyons lucide, ils le sont simplement car ça les aide dans leur stratégie de dédiabolisation.
E. Macron peut bien essayer de changer de Premier ministre, mais il y a de forte chance que cela ne mène à rien. Si la gauche essaye de gouverner, ce serait avec les macronistes. On voit mal les deux forces réussir à s’entendre. Le RN, quant à lui, a bien précisé qu’il gouvernera le jour où il aura une majorité absolue.
Si Bayrou tombe, la suite sera incertaine et il est très probable que personne ne se mette d’accord. La seule solution dans ces cas-là, est de dissoudre l’Assemblée nationale. Mais qu’est ce qui nous permet de dire qu’elle n’aura pas la même configuration qu’actuellement ? Le Président ne pourra plus dissoudre (il peut dissoudre une fois par an), et les trois forces devront trouver un compromis. Mais sont-ils prêts à le trouver ?
La fin de la Ve République ?
On peut alors se demander si cette tripartition ne montrerait pas les limites de la Ve. Il faut se rappeler qu’elle a été créée pour palier aux problèmes de blocage et d’instabilités de la IIIe et IVe République. Mais elle commence à montrer les mêmes faiblesses.
D’une part, on ne peut pas vraiment signer la fin de la Ve aussi vite. Elle s’adapte très bien à beaucoup de situations différentes. Par exemple, la constitution de la Ve n’avait pas prévu le phénomène de cohabitations. La solution est arrivée assez naturellement et très vite la Ve a pu continuer de fonctionner.
D’autre part, le blocage de la Ve peut nous permettre de nous poser des questions sur cette dernière et de mettre en place des changements pour qu’elle fonctionne mieux. Il y a d’ailleurs déjà eu des expérimentations et des nouveautés pour palier aux crises : les conventions citoyennes (sur le climat et sur la fin de vie), une réunion des représentants des partis avec le chef de l’Etat (fait par Macron en décembre 2024 pour essayer de trouver des compromis), le grand débat national (consultation citoyenne de 2019 pour sortir de la crise des gilets jaunes).

Aujourd’hui, d’autres mesures sont discutées. Certains comme LFI souhaitent tout simplement changer de république et donc passer à la VIe. D’autres parlent plus d’une réforme de la Ve, comme d’un changement de scrutin pour les législatives. On voit aussi, à l’Assemblée nationale, plus de compromis trouvés entre les partis, ce qui est singulier dans la Ve.
La tripartition du paysage politique est un phénomène nouveau. Il persiste dans la durée et fragilise notre république. La Ve est dans une impasse, elle est obligée de se réinventer sinon il est fort probable qu’elle disparaisse.
Article réalisé par Ganaelle, rédactrice bénévole. Pour découvrir la série En clair la politique, clique ICI.
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