par À l’ère des réseaux, où de nombreuses personnes se penchent sur le net pour trouver l’amour, les arnaques se multiplient. Derrière ces faux profils se trouvent les arnacoeurs, qui entament des relations sentimentales avec leurs victimes pour leur tirer de l’argent.
les victimes, cibles faciles
Ces arnaques amoureuses sont de plus en plus communes et ciblent souvent des personnes en isolement ou ayant traversé des moments de vie difficiles. Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publié début 2025 estimait qu’un quart des Français âgés de plus de 15 ans déclarait se sentir régulièrement seul.
Les échanges entre les cybercriminels et leur victimes peuvent durer plusieurs années et les sommes versées s’élèvent jusqu’à plusieurs milliers d’euros. C’est le cas d’Anne, en France, arnaquée par un brouteur qui a usurpé l’identité de Brad Pitt et lui a fait perdre plus de 800 000 euros. Son histoire a fait le tour des médias nationaux et internationaux. Au delà des moqueries, elle a sensibilisé le grand public aux dangers de ces réseaux de brouteurs et le grand nombre de victimes en France.
Les imposteurs privilégient les cibles les plus faciles comme les baby boomers, en raison de leurs connaissances limitées sur les réseaux sociaux. Les plateformes prisées par cette génération comme Facebook, les applications de jeu comme Scrabble ou les sites de jeu télévisés sont pris en proie par ces criminels.
Si leurs outils numériques sont assez simples, comme l’explique le journal le Monde, les techniques d’ingénierie sociale – terme souvent utilisé dans les dossiers d’arnaque en ligne, recouvrant des techniques de manipulation et de piratage psychologiques – sont très poussées. L’emprise des brouteurs sur leurs victimes est si grande que ces dernières continuent à verser de l’argent même en ayant découvert l’arnaque.
dans les ficelles du bara love
Qui sont ces arnaqueurs et qu’est ce qui les poussent dans ce milieu ? Comment s’y prennent-ils pour gagner la confiance de leurs victimes et aboutir à leurs fins ?
Une grande partie des brouteurs viennent de l’Afrique de l’Ouest, plus précisément de Côte d’Ivoire. La capitale économique, Abidjan, a une économie à part entière, mobilisée par le « bara » (« broutage »). Il y a même une hiérarchie : les « débutants », les « vieux pères » et les « rois du boucan ».
Le style de musique du « coupé-décalé » est souvent lié avec le broutage. C’est un mouvement, avec un style luxueux et ostentatoire, que ce soit dans les propos des paroles ou les vidéos musicales. C’est une vie de bourgeois qui revendique la richesse et l’excès. L’inventeur de ce style musical, Douk Saga, mort en 2006, prônait la ruse, l’hédonisme et le culte de l’argent. Les brouteurs payent les DJ pour qu’ils chantent leurs réussites et exploits.
Pourquoi le terme brouteur ?
Ce mot fait référence aux ruminants prêts à parcourir de grandes distances à la recherche d’herbe facile à consommer. « Facile » car les outils et la logistique nécessaires pour ce type d’arnaques sont assez simples. Ils ont juste besoin d’un numéro de téléphone façade, d’une connexion VPN et, pour les plus organisés, de quelques complices, explique Alexandre Kauffman, journaliste pour le monde. La plupart des brouteurs prennent des photos déjà disponibles sur les réseaux sociaux, usurpent l’identité de célébrités ou utilisent des outils IA comme le Deepfake.
Auparavant les brouteurs se réunissaient dans des cybercafés, désormais ils ont juste besoin d’un portable et une bonne connexion internet. Ils continuent à se réunir, mais dans des appartements, à l’abris des regards indiscrets.
Comment explique t’on l’émergence du bara parmi la jeunesse ivoirienne ?
L’explication la plus commune est la crise économique qui pousse les jeunes à diversifier leurs sources de revenus. Selon le témoignage de certains d’entre eux, ils se vengeraient de ce que l’on appelle « la dette coloniale », l’exploitation des pays occidentaux sur le continent africain.
Pourtant, un contexte historique plus large explique l’émergence de ce bastion de brouteurs à Abidjan. Au début des années 2000 beaucoup d’arnaqueurs qui résidaient au Nigéria ont été réprimés par les autorités et ont cherché refuge sur la Côte d’Ivoire, où l’instabilité institutionnelle offrait un contexte favorable aux escroqueries.
Quelle est l’opinion publique au sujet des baras dans leur pays ?
L’ampleur de ce phénomène est tellement grande dans le pays, que la plateforme de lutte contre la cybercriminalité fait des cours de sensibilisation et de prévention au métier de brouteur dans les écoles.
Les autorités locales sont plus attentives et organisées pour lutter contre le broutage. Il est pourtant difficile de pénaliser un crime qui se passe sur internet et dont les auteurs se trouvent dans le refuge de leur appartement.
Toutefois, en 2019, le brouteur Raimi Abdoulaye, ou plus connu sur le nom de Commissaire 5 500 volts, a été arrêté. Célèbre dans le milieu du showbiz ivoirien pour être le parrain de plusieurs artistes et événements, il est un showman habitué à parader sur les réseaux sociaux « habillé » de billets de banque.
Le broutage est maintenant stigmatisé par la plupart des familles abidjanaises, explique l’anthropologue Yaya Koné, pour le Monde. La situation politique est devenu stable, et le bara est perçu comme un vol à part entière, même s’il n’utilise pas la contrainte physique. Les ivoiriens sont plus sensibilisés au phénomène des escroqueries en ligne et leurs conséquences néfastes sur les vies en Europe.
D’une autre part, l’adhésion à la convention de Budapest est une avancée dans le pays pour la lutte contre la cybercriminalité. Elle offre des outils juridiques robustes pour la collecte et l’échange de preuves électroniques, un atout crucial pour renforcer l’efficacité des enquêtes transfrontalières, a déclaré Vladimir Aman, expert ivoirien en cybersécurité.
Le broutage est un crime de notre époque, sur internet, discret et qui évolue grâce aux nouvelles technologies. Il souligne aussi une grande problématique qu’est la solitude. Ce mal et cette peur, créent les victimes idéales pour les baras de l’amour.
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