J’ai entendu parler du premier roman de Diaty Diallo : Deux secondes d’air qui brûle dans un podcast. Je ne sais plus si c’était dans Dialna, dans Les Garde-fous, ou dans un autre. Avant d’acheter le livre, je me suis surtout plongée dans les interventions de l'autrice. Son propos et ses positions m’ont marquée, je me suis sentie proche d’elle, de sa façon de voir le monde, d’envisager l’écriture et la société. C’est l’été. Un groupe d’adolescents à la vie plutôt banale, Astor, Chérif, Issa, Demba, Nil et d'autres, voient celle-ci basculer quand un de leurs proches meurt suite à une interpellation policière qui dégénère. Comment les habitants du quartier vont vivre cette violence dans leur intimité ?
Ce qui m’a touché dans le livre, c’est, entre autres choses, ce romanesque simple, cette histoire qu’on pourrait vivre, ces espaces de vie autour du drame. Astor cueille les plantes qui poussent à travers le béton, rêve d'offrir un bouquet de la friche à Aïssa croisée en soirée, et va bientôt devenir jardinier. Le barbecue soigneusement conçu par Chérif suite à plusieurs essais est inauguré. Samy et Bak à moto, jouent, font les beaux, flirtent avec les filles et se posent des questions d'ado. Nil, l'artisan, par ses inventions géniales et folles mobilise les personnes du quartier. Après la mort tragique de Samy, un grand final s'organise autour de la pyramide.
L'ambiance estivale et caniculaire serait plus sereine si le temps n’était pas quadrillé par les contrôles policiers. Impossible de faire un barbecue sans se le faire confisquer. Impossible de flirter sans être pris dans les gaz lacrymogènes. Malgré les restrictions, malgré les drames, ils essaient d'habiter l'espace comme des personnes libres et vivantes. Ils projettent, ils inventent, ils rêvent, ils fantasment. Cette tension entre leur recherche de liberté et tout ce qui les écrase est très prenante.
Les descriptions des lieux sont mêlées aux pensées des personnages. Les dialogues ne sont pas toujours signalés par des signes typographiques. On a une impression de fluidité incroyable qui rappelle l'utilisation de la caméra au cinéma. Pris dans l'action, on attend de savoir ce qui va se passer après la mort de Samy. J’ai été captivée par cet après deuil. Ce livre remue au niveau émotionnel. D'abord par sa thématique. Le côté destinée inéluctable des violences policières. On sait que quelqu’un va mourir, que le destin va frapper, dans une reproduction sociale à laquelle on n'échappe pas. À côté de cet été lent, chaud et sans histoires, il y a la douleur et l’injustice.
Ce sont des histoires qu'on n'entend pas d'habitude, ou plutôt dans la rubrique des faits divers, comme des informations qui enflamment et polarisent la société à un moment donné. Puis le sujet est clos une fois que le choc et la violence sont digérées médiatiquement, sans qu'il n'y ait aucune avancée sur ces problèmes de violences policières. C'est pour moi un roman important car on voit justement au delà de la chronique judiciaire, ou du fait médiatique. La sensibilité des personnages et leur quotidien sont en effet au cœur de l'intrigue. On peut se réjouir, pleurer et fantasmer avec eux. Ce rappel de leur humanité est essentiel dans une société où ils sont justement déshumanisés.
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