Marie-Claire Kakpotia, activiste contre les mutilations sexuelles féminines

En 2024, on estime à 230 millions le nombre de femmes et filles ayant subi des mutilations sexuelles à l’échelle mondiale et 125 000 (2010) pour celles vivant en France. Marie-Claire Kakpotia a fait partie de l’une d’entre elles. À 9 ans, dans un village au nord de la Côte d’Ivoire, sa tante l’emmène subir une excision à l’insu de ses parents qui étaient contre. De cette terrible expérience naquit ainsi son combat, non seulement pour aider les femmes qui auraient été dans sa situation, mais aussi dans l’espoir qu’à l’avenir, cela ne se reproduise plus jamais.

Rappel des faits

Commençons tout d’abord par évoquer ce que sont les mutilations sexuelles féminines. Il s’agit d’une ablation totale ou partielle des organes génitaux. Elles peuvent se regrouper en 4 catégories principales :

  • la clitoridectomie, ablation totale ou partielle du clitoris
  • l’excision, qui inclut aussi une ablation du clitoris, mais cette fois-ci avec l’excision des petites lèvres et possiblement des grandes lèvres
  • l’infibulation, rétrécissement de l’orifice vaginal par la création d’une fermeture rendue possible par le repositionnement des petites ou grandes lèvres
  • la dernière catégorie inclut toutes les autres mutilations sexuelles existantes (incision, cautérisation, scarification, ponction ou percement)

Les conséquences peuvent être nombreuses aussi bien sur le plan physique : infection, tétanos, septicémie, augmentation du risque de transmission du VIH, dyspareunie, hypersensibilité de la zone génitale, difficulté à uriner ou à avoir du plaisir, complications lors de l’accouchement, infertilité. Que psychologique : état de choc traumatique, présence d’anxiété et dépression tout au long de leur vie. Dans certains cas, elles peuvent même entraîner la mort.

Ces pratiques existent car elles sont perçues comme un rite de passage vers l’âge adulte pour certains, mais aussi comme moyen de contrôle sur la sexualité féminine. La pression sociale et certaines croyances autour de ce sujet jouent également un rôle.

« L’excision n’est pas une violence ordinaire. Elle est une atteinte qui va bien au-delà du corps mutilé, elle mutile l’image de soi, la relation à son propre corps, le rapport aux autres, avec qui on est sans cesse sur la défensive, les relations amoureuses, la sexualité, l’esprit. »

Marie-Claire Kakpotia dans Femme d’influence

Les mutilations sexuelles féminines sont réalisées la plupart du temps sur de très jeunes filles avec des instruments « faits maison » sans anesthésie et antiseptiques (sauf s’il s’agit d’un professionnel de santé). Elles se déroulent principalement en Afrique et au Moyen Orient, et se retrouvent dans certains pays d’Asie, d’Europe de l’Est et d’Amérique Latine. Cependant elles peuvent être aussi présentes en Europe et aux États-Unis, et persister parmi les diasporas.

Plus d’infos sur les mutilations sexuelles

Portrait d’une femme puissante

« J’arrive dans la pièce, et quatre femmes me saisissent brutalement. Je suis plaquée au sol. L’une d’elles arrive avec son couteau et fait ce qu’elle a à faire. La douleur incommensurable. Le sang. Les larmes. Mais à aucun moment, je n’ai pris conscience de ce qu’on m’avait réellement fait ni des conséquences que cela aurait sur ma vie de femme. »

Marie-Claire Kakpotia dans Femme d’influence

Marie-Claire Kakpotia Koulibaly-Moraldo est une femme franco ivoirienne née à Ferkessédougou en Côte d’Ivoire, dont elle est partie après y avoir fait son BTS Gestion Commerciale pour se rendre à Dakar et y travailler en tant qu’attachée commerciale.

Vient ensuite la rencontre avec son petit ami de l’époque. Ensemble, ils se sont installés en France ou a débuté sa formation au sein de la KEDGE Business School, en management commercial et gestion de projet.

Marie Claire Kakpotia. Photo : Géraldine Mokhtari

Par la suite, Marie-Claire créa sa propre boutique en ligne : Kapotia Fashion, une marque de bijoux africains. Son but était de permettre aux femmes de vivre de leur travail artisanal et de gagner en autonomie.

Au cours de vacances au Sénégal en 2016, elle tombe sur le témoignage d’Inna Modja, une femme de 22 ans également excisée, parlant de sa chirurgie réparatrice, ce qui lui a donné envie d’en faire une à son tour.

Le chemin de Marie-Claire a ensuite croisé celui de l’organisation Women Safe qui prend en charge les femmes victimes de violence, lui permettant ainsi de parler de son vécu. Dans le même temps, elle remarque l’absence de structures, à Bordeaux, autour de ce thème spécifique. De là est née son ONG internationale, les Orchidées Rouges.

Début du militantisme

Les Orchidées Rouges a été fondée en mars 2017. Le logo et le nom trouvent leur origine, dans un premier temps, d’une comparaison entre la reconstruction de Marie-Claire et une fleur qui repousse. Récupérée pour symboliser la sexualité des femmes contrôlée par les mutilations sexuelles, l’orchidée ressemble à une vulve. De plus, son étymologie provient du mot grec Orchis qui signifie testicule, ce qui colle parfaitement avec le sujet.

L’objectif derrière cette création est de venir en aide aux femmes qui ont subi des mariages forcés ou des mutilations sexuelles et de les accompagner à travers une prise en charge gratuite et pluridisciplinaire. Sont également mis à disposition des survivantes, des ateliers d’accès aux droits et à la santé sexuelle, des cafés juridiques afin de les informer, mais aussi des séances bien être et des ateliers thérapeutiques, collectifs ou individuels pour leur permettre de se reconstruire.

« Il n’y a pas de fatalité vous pouvez vous en sortir »

Marie-Claire Kakpotia dans le journal France 24

L’ONG est présente à Bordeaux, Paris, Lyon, Périgueux et Abidjan. Elle intervient de manière très large avec tous les publics à travers des conférences, séminaires, expositions artistiques, interventions dans des établissements scolaires et possède un grand nombre de partenaires de terrain, financiers et institutionnels sur qui elle peut compter pour l’appuyer.

Enfin, il existe également un groupe Facebook lié à l’ONG, Happy Business Women, qui apporte du soutien aux entrepreneuses, aux femmes qui souhaitent créer leur entreprise ou se reconvertir.

Marie-Claire Kakpotia Koulibaly-Moraldo s’est donc beaucoup investie pour la cause féminine et a même obtenu de nombreuses récompenses : le Global Women Award (2018, Washington) qui lui a été décerné par la Fondation Global Women Peace dans la catégorie des survivants activistes ou encore le prix de l’initiative (2017) attribué par la ville de Bordeaux. Son histoire au-delà d’être une véritable source d’inspiration, est aussi le rappel que malgré toutes les horreurs que l’on peut traverser, il est possible de se reconstruire et de se servir de son vécu comme d’une force pour faire bouger les choses.

Article réalisé par Alicia, stagiaire


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