Céline Sciamma, un cinéma engagé

Céline Sciamma est une femme cinéaste engagée. Son cinéma propose une réflexion sur des éléments de société tout en étant accessible à tous·tes. Le style de Céline Sciamma est unique. À travers un regard féminin, la réalisatrice transperce la sensibilité de son public. Un regard qui nous encourage à nous ouvrir vers le monde, à l’envisager autrement.

@ Claire Mathon

Céline Sciamma est née en 1978, dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. Sa grand-mère lui fait découvrir le cinéma à travers les comédies musicales américaines de Fred Astaire et Gene Kelly. Elle nourrit sa culture cinématographique en prenant l’habitude d’aller trois fois par semaine au cinéma. Frustrée de ne pas se reconnaitre dans les personnages qu’elle voit à l’écran, elle certifie dans l’émission Story Classique sur OCS : « J’ai dû attendre dix-huit ans pour voir un baiser entre deux femmes au cinéma ». Elle comprend alors l’importance de la représentation.

Son cinéma est teinté d’influences de cinéastes français. Céline Sciamma explique puiser son inspiration dans le cinéma féministe de Chantal Akerman (Story Classique). Elle évoque également la transgression des règles cinématographiques chez Jacques Demy avec les regards caméra de Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg.

En 2005, elle intègre l’école de cinéma reconnue, La Fémis, au département scénario. Poussée par un de ses professeurs, elle réalisera elle-même son projet de fin d’étude. Celui-ci deviendra son premier film : Naissance des pieuvres (2007). Il aborde la découverte des autres, du corps, des premiers émois de trois adolescentes d’un club de natation synchronisée. En plus de révéler Adèle Haenel, dix-sept ans à l’époque, Céline Sciamma reçoit le prix Louis-Delluc et l’adoubement de la grande Jeanne Moreau lors des Césars de 2008. La reconnaissance de son travail ne s’arrête pas à son premier film. Plusieurs récompenses lui ont été décernées, dont le prix du scénario à Cannes pour Portrait d’une jeune fille en feu en 2019.

Extrait de Naissance des pieuvres

Céline Sciamma met à profit son talent de scénariste auprès d’autres réalisateurs. Elle a travaillé pour des séries à la télévision avec Les Revenantes (2012-2015). Elle a fait équipe avec Jacques Audiard pour son film Les Olympiades (2021). On la retrouve aussi du côté de l’animation avec Ma vie de Courgette (2016) de Claude Barras, pour lequel elle recevra un César.

Une réalisatrice minutieuse

Dans l’élaboration de son travail, Céline Sciamma recherche minutieusement une forme de perfection, dès la première ébauche. La cinéaste présente déjà à sa productrice, un travail scénaristique avec toute une mise en scène précise, réfléchie et écrite. Elle ne veut pas donner de synopsis. Il peut être selon elle « trompeur » et donner un aspect « trop littéraire, une vision pas assez incarnée » (masterclass à l’université Paris 8). L’artiste ne veut pas que ses collaborateurs découvrent le film à travers un sujet, des acteurs mais à travers une mise en scène, un regard.

Ce perfectionnisme ne s’arrête pas à l’écriture. Il continu sur le plateau, auprès des acteurs·rices. Céline Sciamma coordonne les regards et les gestes et s’assure que leurs jeux soit justes. Ce perfectionnisme pourrait s’apparenter a une volonté de maitrise sur ces actrices mais son intention est seulement de les accompagner, qu’elles soient des actrices confirmées telles que Noémie Merlant, ou débutantes : Karidja Touré.

Une réalisatrice engagée

Céline Sciamma fait un cinéma engagé et politique. Lors de la masterclass à l’université Paris 8, elle explique que « ce n’est pas le point de départ ». Sa volonté initiale n’est pas de décrier des sujets de société, mais son engagement personnel et ses valeurs ressurgissent naturellement dans ses films. C’est plus fort qu’elle : « une envie intime ». Elle fait partie depuis sa création en 2018 du collectif 50/50 pour promouvoir l’égalité des genres dans l’industrie du septième art. Elle se lève également aux côtés d’Adèle Haenel face au César de Roman Polanski en 2020.

Adèle Haenel (gauche) et Céline Sciamma (droite) ©Roz_N_Roll

Pour elle, l’engagement d’un cinéaste se transmet à travers la mise en scène, « un endroit que vous pouvez penser et investir. C’est la manière dont vous décidez de regarder ». Au micro de France Culture, elle définit « être politique » comme être « conscient des enjeux de représentation et la manière dont la fiction a un impact sur le réel et sur nos vies ».

Ce n’est pas parce que le film traite d’un sujet social qu’il va être politique :

« Un film sur une usine qui ferme avec des méchants patrons n’est pas forcément politique. S’il faut le film est à la botte du patriarcat et du système. »

Céline Sciamma pour France Culture

Grâce à la subtilité de ses scénarios, Céline Sciamma aborde des sujets clivants : le poids du patriarcat, dans Naissance des pieuvres, la transidentité, avec Tomboy, l’identité sexuelle, dans Bande de filles

Un regard féminin

Dans ses films, Céline Sciamma retranscrit l’expérience d’être femme. Elle adopte entièrement leur point de vue, jusqu’à exclure l’homme de l’écran.

Ce choix permet aux femmes d’être sujets et non objets. La cinéaste évite de « perdre son temps à montrer le cadre de la domination » (masterclass à l’université Paris 8). Elle se concentre sur une entraide de femmes puissantes. Son cinéma déborde alors de sororité et des amitiés qui naissent dès l’enfance.

D’ailleurs, la caméra à hauteur d’enfant est symptomatique de son cinéma. Petite Maman (2021), Tomboy (2011) et Naissance des pieuvres (2007) donnent à voir un récit d’enfants avides de libertés qui perdent leur innocence.

Extrait de Tomboy

Céline Sciamma s’est imposée comme étant un symbole du female gaze français. Un cinéma sur les femmes, par une femme, pour la déconstruction d’un système patriarcal.


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