Dans les années 1970, une vague de féminisme secoue le monde. L’objectif : réapproprier la place de la femme dans l’espace public après des siècles de mise à l’écart. Aujourd’hui Exprime se penche sur la représentation des guérisseuses dans l’histoire.
Les femmes dans l’Histoire : des médecins sans diplômes
Dans l’imaginaire collectif, le sexe féminin est lié à la maternité et la protection. Pendant des siècles, la femme a dû prendre soin de sa famille, sécher les pleurs et soigner les genoux écorchés. C’est de cette manière qu’elles ont pu développer des connaissances autour du corps humain ainsi que la création de remèdes pour soigner les maux.
Le travail des guérisseurs et guérisseuses prend ses racines dans les connaissances liées à la botanique et aux ressources naturelles. Ces ressources se transmettaient de génération en génération et ont doté les femmes d’un rôle particulier dans la société. En effet, au Moyen-Âge certaines prennent le nom de guérisseuses. La population se tournait vers elles afin de recevoir des soins. Une grande confiance leur était accordée, notamment autour de la maternité. Les guérisseuses aidaient les femmes à accoucher ou au contraire à avorter et les accompagnaient… Ce domaine de la maternité est longtemps resté une affaire de femmes. En règle générale, les hommes n’assistaient pas à l’accouchement. Aucun prêtre, mari ou membre de la famille n’assistait à la naissance des enfants. C’est ce qui a permis aux femmes de conserver une place de guérisseuse auprès de la population.
Des femmes dépossédées
Très vite cependant, les hommes vont tenter de renverser la tendance. Au 13e siècle, les élites sociales soutenues par le clergé inventent les universités de médecins. Désormais on associe l’élitisme à la capacité de guérir. On véhicule l’idée selon laquelle il est nécessaire d’être formé afin de soigner. Pour les femmes c’est une porte qui se ferme puisque les universités ne formaient que des hommes. Néanmoins, les médecins formés soignaient principalement les hautes classes de la société ce qui a permis aux femmes de continuer leur travail auprès de la population principalement pauvre et paysanne.
Mais ce n’était qu’une bataille de gagnée, pas la guerre. Afin de discréditer les femmes qui s’étaient tournées vers le métier de sage-femme, les médecins faisaient circuler l’idée que les enfants nés entre les mains d’une femme venaient au monde avec des malformations, que les femmes jetaient des sors aux nouveau-nés. Avec ou sans preuve à l’appui, les rumeurs prirent racines et l’on ne fit plus appel aux femmes.
L’affaire semblait perdue quand les accusations de sorcellerie sont arrivées. Lors de la Renaissance en Europe, entre le 13e siècle et 17e siècle, la chasse aux sorcières était un moyen pour l’Église de garder son influence auprès des croyants et d’exclure les femmes d’une position influente.
En effet, au 16e et 17e siècle, de nombreux procès secouent l’Europe. Beaucoup de femmes sont accusées de sorcellerie. Elles sont diabolisées et accusées d’avoir une sexualité outrageante, mais également d’avoir des pouvoirs de guérison dangereux. Malgré les données difficiles, les historiens se mettent d’accord pour mettre en avant que la majorité des femmes torturées et exécutées se trouvaient être des guérisseuses.
Le procès de Barbe Morel dite « Grosse Gorge »
Si l’on connaît les procès de Salem en 1662 aux États-Unis qui ont mené à l’exécution de 14 femmes et 6 hommes, d’autres procès plus spécifiquement liés à la sorcellerie de guérison ont eu lieu en France. C’est notamment le cas du procès de Barbe Morel accusée de sorcellerie en 1591 à côté de Nancy.
L’affaire a commencé de manière très traditionnelle quand il s’agit de sorcellerie : par une rumeur. Elle s’est intensifiée jusqu’au point où les autorités ont fini par se saisir du dossier. Après une enquête où la femme d’une cinquantaine d’année a subi interrogatoire et torture, ses aveux de sorcellerie signe son arrêt de mort.
À l’origine de son exécution ? Des clients mécontents qui ont décidé de se venger de résultats qu’ils jugeaient insatisfaisants. Ce sont des motifs récurrents que l’on retrouve dans de nombreux procès qui ont menés les guérisseuses à une fin certaine. Les autorités utilisent des moyens d’interrogations qui ne laissent que très peu de chance d’échapper à un destin funeste.
À la suite de ces procès, les hommes réussiront à pathologiser les femmes. Ils présenteront la maternité comme une maladie et les femmes comme originellement malades. Ils réussiront à décrédibiliser complètement le rôle de guérison des femmes qui seront catégorisées et mal vues dès lors qu’elles s’approchent de près ou de loin de la médecine.
De guérisseuses à infirmières
Les femmes ont finalement réussi à se frayer un chemin pour retrouver le milieu médical. Cependant, à partir du 19e siècle, les femmes ne purent pas devenir médecin mais infirmières.
C’est le combat mené par Florence Nightingale, une femme britannique considérée comme la première infirmière. Née en 1830, elle s’engage dans le milieu médical et permet au femmes d’assister les médecins au chevet des patients en effectuant des soins et de l’entretien dans l’hôpital. Les femmes avaient de nouveau une place dans le milieu médical, mais une place encadrée dans un rôle maternel. Le médecin masculin diagnostiquait et réalisait les grandes opérations, les femmes devenues infirmières s’occupaient principalement de l’accompagnement des malades et de faciliter les différentes étapes de soin.
Encore aujourd’hui, ce sont les combats répétés de figures féminines au sein de l’hôpital qui ont permis à la place des femmes d’évoluer. Mais les débats autour de l’égalité de genre au sein du secteur médical restent importants. La hiérarchie présente dans les hôpitaux repose sur une longue tradition qu’il faudra déconstruire pierre par pierre.
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