Portrait Mary Anning

Mary Anning, la paléontologue prodige

Tombée dans l’oubli après sa mort en 1847, il faudra attendre le début des années 2000 pour que Mary Anning soit redécouverte et enfin reconnue à sa juste valeur. Paléontologue autodidacte britannique faisant figure de pionnière dans la profession, son travail et ses découvertes ont en effet grandement contribué à révolutionner la science et la religion à son époque.

Une enfance jalonnée d’épreuves

Née le 21 mai 1799 à Lyme Regis, village côtier du Dorset en d’Angleterre, Mary Anning connaît durant son enfance un certain nombre de drames. Elle est notamment frappée par la foudre à l’âge de 15 mois, frappe qui toucha cinq personnes et dont elle fut la seule survivante.

Son frère aîné Joseph et elle sont également les seuls à atteindre l’âge adulte sur les dix enfants qu’auront eu leurs parents. Enfin, issue d’une famille pauvre, ses parents ont régulièrement des difficultés à joindre les deux bouts.

Portrait de Mary Anning en compagnie de son chien Tray par l’artiste B. J. Donne © GL Archive /Alamy Stock Photo

C’est pourquoi dès l’âge de 6 ans, Mary accompagne son père dans ses recherches de fossiles. En effet, ébéniste de métier, ce dernier arrondit les fins de mois en vendant dans sa boutique les fossiles qu’il trouve, principalement aux touristes. Il apprend à Mary à les chercher et à les nettoyer, à une époque où le terme paléontologie n’existe pas encore.

Hélas, en 1810, alors que Mary n’a encore que onze ans, son père décède de la tuberculose. Elle continue cependant la recherche de fossiles avec son frère et en fait une occupation à plein temps pour subvenir aux besoins de sa famille.

Des découvertes majeures

Sa première grande découverte date de 1811, quelques mois seulement après la mort de son père, lorsque Joseph et elle mettent la main sur un squelette complet d’ichtyosaure, reptile marin long. À l’époque, Georges Cuvier venait à peine d’introduire sa théorie de l’extinction (48 ans avant la publication de L’origine des espèces de Charles Darwin !).

Un des fossiles d’Ichtyosaure découvert par Mary Anning ©nhm.ac.uk

C’est le premier squelette d’ichtyosaure retrouvé complet. Cette grande découverte est d’ailleurs annoncée dans la revue scientifique Philosophical Transactions of the Royal Society (pour laquelle Mary ne sera hélas pas créditée) et fait rapidement du bruit partout dans le Monde.

Mais c’est en 1821 que Mary fait sa découverte majeure : le squelette d’un plésiosaure, grand reptile datant lui aussi du Jurassique et reconnaissable à son long cou. Le spécimen découvert est un Plesiosaurus dolichodeirus, considéré aujourd’hui encore comme le spécimen type de cette espèce.

Schéma dessiné par Mary Anning de son premier Plésiosaure – ©nhm.ac.uk

Enfin, en 1828, elle découvre un fossile de ptérodactyle, qui sera le premier ptérosaure a être découvert hors d’Allemagne.

Ces découvertes majeures questionnent et challengent la science et la religion de l’époque, bouleversant les croyances du Monde entier, et joueront notamment un rôle prépondérant dans la vérification de l’hypothèse de l’extinction d’espèces inconnues.

Une femme dans un milieu d’hommes…

Pourtant, à l’époque de Mary Anning, les cercles savants sont uniquement constitués d’hommes. Tous sont convaincus qu’une femme, qui plus est autodidacte et issue d’un milieu modeste, ne peut pas posséder les connaissances et les compétences dont Mary témoigne.

Kate Winslet incarnant Mary Anning dans le film Ammonite (2020) ©Pyramide Films

Mary Anning ne reçoit qu’une faible reconnaissance de son vivant, et ce notamment car ses découvertes sont systématiquement publiées par des hommes qui oublient de la citer !

Son nom est néanmoins mentionné par Georges Cuvier en 1825, en légende d’une illustration montrant un plésiosaure dans la troisième édition de son Discours sur les révolutions de la surface du globe, tandis que Louis Agassiz lui rend hommage en donnant son nom à deux espèces de poissons fossiles : l’Acrodus Anningiae et le Belenostomus Anningiae.

Mais cela reste peu quand on considère la manière dont son travail et ses découvertes ont contribué à faire progresser la science.

…NON RECONNUE À SA JUSTE VALEUR

Mary finit par devenir une véritable experte dans son domaine. Elle est par exemple la première à avoir su identifier la véritable nature des coprolithes, qui n’étaient non pas des bézoards comme beaucoup le pensaient à l’époque, mais des excréments fossilisés de lézards. Le nom de Mary sera d’ailleurs mentionné par William Buckland en 1829 dans un article qu’il rédigera sur le sujet.

Coprolithe de dinosaure
Exemple de coprolithe dinosaure ©paleo-passion.com

Possédant une solide formation scientifique, Mary est également capable d’identifier immédiatement un fossile et de converser avec des scientifiques de renom.

En 1830, les découvertes de Mary inspirèrent le géologue (et ami de Mary) Henry de la Beche à peindre le tableau Duria Antiquior – Un Dorset plus ancien.

Duria Antiquior – Un Dorset plus ancien, peint par Henry de la Beche en 1830.

Ce tableau est la toute première représentation picturale d’une scène préhistorique basée sur l’observation de fossiles. Cette forme d’art, connue sous le nom de paléoart, a pour but d’aider à mieux comprendre la vie sur Terre telle qu’elle était il y a des millions d’années.

UNE reconnaissance POSTHUME

Mary mourut à 47 ans d’un cancer du sein, peu de temps après avoir été élue membre honoraire de la Société Géologique de Londres. Henry De la Beche, alors président de la Société, prononça un éloge funèbre en son honneur lors de son discours annuel, faisant de Mary la première femme à recevoir une telle faveur.

Redécouverte ces dernières décennies, elle est enfin reconnue comme une figure incontournable de l’histoire de la paléontologie, au même titre que les grands savants de son temps. Depuis 2010, elle est également considérée par la Royal Society comme l’une des dix scientifiques les plus influentes de l’histoire britannique.

En 2019, une jeune fille de Lyme Regis, elle-même chasseuse de fossiles, fut d’ailleurs choquée d’apprendre que Mary Anning n’avait pas de statue honorant sa mémoire. Elle contacta donc les autorités locales qui acceptèrent de financer la création d’une statue en bronze réalisée par l’artiste Hazel Reeves.

Statue de Mary Anning à Lyme Regis

Grâce à son travail acharné, Mary Anning contribua à accroître de manière considérable l’intérêt du public pour la géologie et la paléontologie. Aujourd’hui encore, ses fossiles sont visibles au Natural History Museum de Londre. Au fil du temps, elle s’est imposée comme un maillon essentiel de la paléontologie et son histoire a inspiré diverses œuvres cinématographiques et littéraires retraçant son incroyable parcours.

Affiche du film Ammonite (2020), dans lequel Mary est incarnée par Kate Winslet
Couverture du roman de Tracy Chevalier (2009), qui propose une version romancée de la vie de Mary
Couverture de la bande-dessinée Mary Anning chasseuse de fossiles

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