L’incroyable pouvoir des communautés littéraires sur les réseaux sociaux

Fortement aidées par les confinements, les recommandations de lectures sur les réseaux sociaux via les hashtags #BookTube, #Bookstagram et #BookTok ont explosées ces trois dernières années, en particulier auprès des adolescents et jeunes adultes. Zoom sur la manière dont ces communautés littéraires en pleine expansion impactent de manière inédite et indéniable le monde du livre et les ventes de ces derniers.

Booktube, Bookstagram, Booktok… Quésaco ?

Booktube : le pionnier. Contraction des mots « Book » (livre en anglais) et YouTube, le terme « BookTube » serait naît aux États-Unis à la fin des années 2000 avant de devenir un phénomène mondial entre 2011 et 2012. Il désigne « l’ensemble de vidéos consacrées aux livres et à la lecture hébergées sur la plateforme de publication de vidéos YouTube. »

Booksta : quand le livre prend la pose. Contraction des mots « Book » et Instagram, le hashtag Bookstagram comptabilise des dizaines de millions de publications et est utilisé par la communauté littéraire d’Instagram pour partager en photo, lectures coups de cœur et dernières acquisitions livresques avec les lecteurs du monde entier. Si comme pour BookTube, la date d’apparition de la tendance reste assez floue, les premières occurrences du terme Bookstagram remonterait au moins à 2014. Mais il faudra attendre 2020 et les confinements liés à l’épidémie de Covid pour que le phénomène prenne réellement de l’ampleur en France.

Booktok : latest but definitely not least. Apparu aux États-Unis en 2020 sur le réseau social chinois, BookTok n’a rien à envier à ses grands frères, loin de là ! Fort de ses 115 milliards de vues dans le monde, le #BookTok rassemble aujourd’hui une très large communauté de lecteurs. Le phénomène, qui a gagné la France et pris de l’ampleur aux alentours de mai 2021 (aidé comme Bookstagram par les différents confinements), a vu naître une nouvelle génération de lecteurs, principalement adolescents et jeunes adultes, qui ne lisaient pas forcément avant de rejoindre BookTok.

UN PHÉNOMÈNE QUI RÉVOLUTIONNE le MONDE du livre

Cet engouement soudain pour la lecture sur les réseaux sociaux n’est évidemment pas passé inaperçu auprès des différents acteurs du livre, qui n’ont pas mis longtemps à s’adapter à ces nouveaux moyens de promouvoir leurs parutions. Dans les librairies par exemple, des stands de livres « recommandés sur BookTok » ont commencé à fleurir. Les librairies en ligne telle Cultura créent quant à elle des pages dédiés aux recommandations BookTok sur leur site.

Exemple de recommandation TikTok sur Amazon (capture d’écran Amazon).

Mais les librairies sont loin d’être les seules à s’être emparées de la tendance : les maisons d’édition y ont également succombé, en particulier lorsqu’elles sont spécialisées dans la littérature jeunesse et jeunes adultes. Certaines n’ont d’ailleurs pas hésité à se créer un compte pour promouvoir elles-aussi leurs nouveautés de manière créative et originale. C’est par exemple le cas d’Hachette Romans, qui comptabilise plus de 113.000 abonnés sur Instagram et 82 000 abonnés sur TikTok. Les éditions Robert Laffont sont quant à elles allées encore plus loin avec l’organisation d’un concours de premier roman via TikTok.

L’émission littéraire La Grande Librairie s’est également prise au jeu. Augustin Trapenard, qui en est l’animateur, a lui-aussi créé un compte Tiktok pour l’émission. Il a également invité Audrey de la chaîne Youtube Le souffle des mots à intervenir dans son émission, ainsi que l’écrivain jeunesse Victor Dixen. La littérature jeunesse n’étant habituellement pas un genre discuté dans le programme, il a ainsi permis de créer un pont entre la prescription littéraire plus « classique » et celle existant sur les réseaux sociaux, davantage tournée vers la romance et la littérature jeunesse ou fantastique.

De gauche à droite : Audrey (Le souffle des mots), Nina (Nina Quill) et Ema (La Bouquinade), trois BookTubeuses très populaires.

Enfin, les influenceurs littéraires permettent également de découvrir des livres vers lesquels nous ne serions pas forcément allés. Ils peuvent par exemple être une formidable vitrine pour les auteurs et autrices en auto-édition, comme ça a été le cas pour Nina Quill, qui a contribué sans le savoir à faire exploser les ventes d’Il faut parfois déplier les étoiles d’Erika Boyer, ou d’Ema de La Bouquinade qui a publié une vidéo présentant différents romans auto-édités qu’elle souhaitait lire, leur offrant ainsi une grande visibilité.

Couverture du roman Il faut parfois déplier les étoiles d’Erika Boyer

Ne jugez pas un livre à sa couverture

S’il y a bien un réseau social qui rend ce proverbe difficile à respecter, c’est Instagram. En effet, la plateforme basée sur le partage de jolies photographies confère une importance de plus en plus grande à l’aspect esthétique des livres, à mesure que le succès du hashtag Bookstagram s’intensifie. À tel point que la tendance a fini par influer directement sur les maisons d’édition, qui accordent à présent un intérêt particulier au potentiel « instagramable » de leurs futures parutions.

Elles produisent en effet des livres toujours plus travaillés : jaspage coloré voire illustré, dorures, motifs en reliefs, superbes illustrations… Certaines se sont même mises à publier plusieurs versions d’un même titre, une « classique » et une « collector » particulièrement travaillée, pour le plus grand plaisir des lecteurs qui n’hésitent pas à collectionner ces objets-livres, quitte à acheter les deux versions.

Versions classique (à gauche) et collector (à droite) du roman Lightlark d’Alex Aster, éditions Lumen

Les maisons d’édition ont également le souci du détail jusque dans les envois des services de presse (ou SP) à leurs influenceurs partenaires, les vidéos et stories « unboxing » étant particulièrement appréciées des communautés littéraires.

Kit presse du roman I kissed Shara Wheeler de Casey McQuiston, éditions Lumen

DES VENTES QUI DÉCOLLENT DES ANNÉES APRÈS PUBLICATION

Adam Silvera, E. Lockhart, Colleen Hoover, Madeleine Miller, Leigh Bardugo… Ces auteurs et autrices ont tous et toutes une chose en commun : un (ou plusieurs) de leurs romans non récent a connu un succès fulgurant grâce aux communautés littéraires sur les réseaux sociaux.

Ces ventes vertigineuses ont évidemment interpellé les maisons d’édition. Certains titres de la maison d’édition Hachette Roman, faisant pourtant partie de fond de catalogues, se sont mis à se vendre comme des petits pains sans raison apparente. C’est notamment le cas de Mille baisers pour un garçon de Tillie Cole (10 000 exemplaires vendus en 2021, 45 000 en 2022). L’exemple le plus parlant reste celui du roman Le chant d’Achille de Madeline Miller, publié aux éditions Pocket, passé relativement inaperçu au moment de sa publication et qui a connu un énorme succès sept ans plus tard, s’étant à présent vendu à plus de 200 000 exemplaires, du jamais vu.

Ces incroyables succès ont d’ailleurs eu une autre conséquence inattendue : elles ont incité certains auteurs et autrices à écrire des suites ou des préquels de leur roman ! C’est par exemple le cas d’Adam Silvera, dont le roman Et ils meurent tous les deux à la fin a connu un succès fulgurant grâce aux réseaux sociaux, ce qui l’a poussé à écrire en 2022 le préquel Le premier qui meurt à la fin. Même chose pour Colleen Hoover, qui a écrit À tout jamais, suite de son roman Jamais plus en guise de remerciement aux communautés littéraires qui ont participé à faire de ses romans des best-sellers.

Les réseaux sociaux littéraires sont donc de formidables outils dont l’influence a impacté la chaîne du livre à tous les niveaux, des auteurs et autrices aux librairies en passant par les maisons d’édition. Ils ont modernisé la façon de promouvoir la lecture et ont contribué à redynamiser le marché du livre, en atteste les nombres de ventes.


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