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Charles III, aka Bonnie Prince Charlie, bis repetita

Comme nous l’avons abordé la semaine dernière, Charles III, le nouveau roi d’Angleterre, n’est pas le premier Charles III.

Bon alors comment ça se fait qu’on puisse avoir deux Charles III ? Qu’est ce qui est arrivé au premier ? Voici son histoire.

la déchéance des Stuart

Encerclé en bleu, nous avons les rois Stuart dont nous avons parlés la semaine dernière, et en rouge notre joyeux luron de cette semaine

Comme vous pouvez le voir sur l’arbre généalogique des Stuarts, Charles II est décédé sans héritier direct légitime. Selon le principe de primogéniture mâle, le trône est donc passé à son frère Jacques (« James » en anglais) qui régna sous le nom de Jacques II (« James II »).

Portrait of James II (1633-1701) in Garter Robes (oil on canvas) by Lely Peter (1618-80) © Bolton Museum and Art Gallery, Lancashire, UK

Le petit souci avec Jacques II, c’est qu’il est ouvertement catholique… Or, depuis le schisme provoqué par Henri VIII en 1534, le protestantisme s’est imposé partout en Angleterre.

La dernière souveraine catholique fut « Bloody Mary », la fille d’Henry VIII. À coté des atrocités de son règne, la Saint-Barthélemy, c’était un pique-nique. Depuis, la peur du retour d’un roi catholique sur le trône hante les anglais. Autant dire que quand Jacques II débarqua avec son crucifix et sa bible en latin, on ne lui déroula pas le tapis rouge.

Cependant, les deux filles de Jacques II avaient été éduquées dans la religion protestante et, histoire d’en rajouter une couche, Mary, l’héritière présomptive au trône d’Angleterre, fut mariée au prince néerlandais Guillaume d’Orange, un protestant. Le règne catholique de Jacques ne devait donc être qu’une parenthèse vite oubliée.

Mary et Guillaume d’orange, mariés et cousins…

Malheureusement, Jacques II se remaria et sa femme accoucha, en 1688, d’un fils, Jacques Stuart. L’ordre successoral s’en retrouva bouleversée et le retour d’une royauté catholique sur le trône anglais devint plus que jamais une réalité.

Il devenait urgent d’agir. Ainsi, moins d’un mois après la naissance du prince, sept des plus haut dignitaires du royaume invitèrent Guillaume d’Orange, l’époux de Mary, a envahir le pays. Littéralement. Du genre « merci de venir avec ta femme anglaise et ton armée pour prendre le trône ». Ils avaient tellement peur du catholicisme de Jacques II qu’ils sont allés demander à un roi étranger et à une femme de co-régner… C’est dire à quel point la situation était tendue.

L’arrivée de Guillaume d’Orange, célébré par des pauvres gens qui ne devaient probablement rien en avoir à foutre de la religion de leur roi et qui voulaient juste avoir de quoi manger

L’invasion fut un succès, au point d’être prénommée la « Glorieuse Révolution ». La couronne passa à Guillaume et Mary, et Jacques II, le roi déchu, fut contraint de fuir en France. Il y fut accueilli par Louis XIV (encore…) et y vécu au frais de la couronne française (encore…) avec sa cours de partisans prénommés les Jacobites.

C’QUI compte c’est pas l’arrivée, c’est la (re)conquete

En 1689, Jacques II tenta, sans succès, une reconquête de sa couronne. Il décéda peu après, en exil, sans jamais avoir abdiqué le trône. Ce détail a son importance car, une succession royale n’est possible qu’en cas de mort ou d’abdication du souverain. Pour pouvoir couronner Guillaume et Mary roi et reine d’Angleterre, le Parlement prononça lui-même l’abdication de Jacques II.

Cette attitude des parlementaires de changer des coutumes immémoriales juste parce que ça les arrange, conduisirent plusieurs puissances Européennes catholiques à reconnaitre Jacques Stuart, le fils de Jacques II, comme le souverain légitime du trône anglais sous le nom de Jacques III.

Jacques III Stuart, fils de Jacques II, lui-même petit-fils de Jacques I. Vous suivez ?

Jacques III grandit en exile en France. Ses demi-sœurs protestantes, Mary et Anne, furent toutes deux reines d’Angleterre et décédèrent sans descendance. En tant que seul enfant survivant de Jacques II, Jacques III Stuart aurait du recevoir le trône. Cependant, pour s’assurer que tout héritier catholique resterait à bonne distance, le Parlement anglais avait fait passé, en 1701, une loi prévoyant que la couronne serait transmise au descendant protestant le plus proche dans l’ordre successorale. C’est ainsi qu’ils dénichèrent un allemand de 54 ans prénommé Georges de Hanovre et qui était un arrière-petit-fils de Jacques I par une branche cadette féminine. Il fut couronné en 1714 sous le nom de Georges Ier.

Sur cet arbre généalogique, Jacques III est « James (the old pretender) ». Fils de Jacques II et demi-frère des reines Mary et Anne.

Autant dire que face à l’avènement de cet étranger qui ne parlait même pas anglais, des soulèvements éclatèrent un peu partout en Angleterre. Les jacobites, et autres opposants aux Hanovre, tentèrent une restauration de Jacques III Stuart en 1715, puis en 1719. Mais le « vieux prétendant » ne parvint pas à mener ses troupes à la victoire. Suite à ces échecs, il se retira à Rome où il fut reçu par le pape. Il se maria et eut deux fils dont l’ainé, Charles, naquit en 1720.

Bonnie Prince Charlie

À sa naissance, les prétentions du futur Charles III sur le trône d’Angleterre étaient donc légitimes. Il est le descendant mâle direct de Charles I et de Jacques II, les précédents roi d’Angleterre, et seule sa condition de catholique lui barre l’accès au trône.

Tocque, Louis; Prince Charles Edward Stuart; Traquair Charitable Trust; www.artuk.org/artworks/prince-charles-edward-stuart-208775

Comme son père Jacques III, Bonnie prince Charlie, le « jeune prétendant », était persuadé de son droit divin sur le trône d’Angleterre. Avec le soutien, lointain et prudent, de la France, il organisa lui-aussi un soulèvement afin de reprendre la couronne.

Débarquant en Écosse en 1745, avec 7 compagnons, il convainquit les jacobites des Highland de se joindre à lui et de marcher sur l’Angleterre. Il exagéra cependant, quelque peu, l’aide militaire français escomptée… Les jacobites remportèrent tout de même plusieurs batailles, mais les troupes anglaises du roi Georges I les rattrapèrent à Culloden, le 16 avril 1746.

Ce fut un véritable charnier… La défaite des jacobites ce jour-là scella le destin des Stuart. Charles fut contraint de fuir en France et laissa les écossais souffrir les conséquences de sa tentative d’insurrection. La répression des anglais fut sanglante (770 morts et 900 bannissement dans les colonies) et leur contrôle sur les Highland se durcit, détruisant totalement leur culture. Le manque de leadership de Charles et ses promesses vaines désenchantèrent ses soutiens jacobites et le rêve d’une restauration de la lignée Stuart sur le trône fut à tout jamais hors de portée.

Lorsque son père, Jacques III, décéda en 1766, les puissances catholiques refusèrent à Charles le titre de Charles III d’Angleterre. Seuls les quelques soutiens jacobites qui lui restaient reconnurent son titre. Une ultime tentative de restauration fut envisager avec le soutien des français, en 1759, mais l’alcoolisme de Charles y mis un frein.

Charles décéda en 1788, alcoolique et sans descendance. Son frère cadet, Henry, ayant été ordonné cardinal à Rome, la lignée des Stuart s’éteignit définitivement en 1807, à la mort de celui-ci. Les ambitions de restauration des jacobites s’éteignirent avec lui. Aujourd’hui, pour les jacobites, Charles III, le fils de la reine Elizabeth II, ne peut être le souverain légitime du trône d’Angleterre.

Encerclé en bleu, les Stuart dont nous avons parlé aujourd’hui et la semaine dernière. En bas à droite, le légitime roi d’Angleterre actuel selon les jacobites

image de couverture : Outlander (série créée par Ronald D. Moore, 2014)


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